Coups de coeur

Le cimetière Saint Roch de Valenciennes

Surnommé le petit Père Lachaise, le cimetière Saint-Roch de Valenciennes est considéré comme l’un des plus beaux cimetières de la région en raison du nombre de tombes singulières qu’il compte. Il abrite des sépultures monumentales et de véritables œuvres d’art qui racontent l’histoire des femmes et des hommes qui firent la renommée de la ville. Découvrez les anonymes et les célébrités à travers des itinéraires thématiques.

Inauguré en août 1792, le cimetière Saint Roch a été le premier cimetière de Valenciennes créé hors des murs de la ville. Jusqu’à cette date, les Valenciennois étaient inhumés dans les cimetières qui entouraient les nombreuses églises de la commune.

Il a été utilisé rapidement, notamment pour y créer une fosse commune où l’on a retrouvé bien plus tard les ossements de 64 guillotinés de la Révolution (la plupart entre le 24 septembre et le 16 novembre 1794), lors des dernières réminiscences de la Terreur. Des exécutions avaient été décidées par la Commission militaire de Valenciennes, qui avait prononcé 67 condamnations à mort (3 condamnés furent finalement acquittés) dont de très nombreux prêtres ou religieuses, et 31 acquittements.

On trouve la plus ancienne tombe, datant de 1797, près de l’entrée principale du cimetière, celle de Jean-François Paillard. Sa sépulture, surprenante, est une simple plaque de pierre posée sur une arche en briques.

Agrandi à plusieurs reprises en 1800, 1821 et 1835, le cimetière a atteint les limites de la commune voisine de Saint-Saulve en 1900 pour s’étendre aujourd’hui sur 7 hectares, avec environ 17000 tombes.

En parcourant le cimetière Saint-Roch, vous découvrez l’histoire de Valenciennes et de ses habitants sur plus de deux siècles…

“L’itinéraire des insolites” permet de trouver la tombe de la famille Moguet, sculptée par le fils Raymond pour ses parents : le métallurgiste Louis et sa femme Suzanne, femme de service qui travailla de longues années à l’école maternelle Jean Bonmarché à Valenciennes.

L’un des six itinéraires de visites propose de découvrir les imposants tombeaux que se sont fait construire des élus, notaires et riches commerçants.

Alexandre Ledieu – Debaive (1798 – 1862) fut marchand, brasseur et juge au tribunal de commerce, mais aussi maire de Valenciennes par intérim du 25 décembre 1838 au 29 janvier 1839 et du 18 août au 1er octobre 1839.

Marie Suzanne Fournier fut la première épouse d’Henri Dubois, un des acteurs les plus importants de la renaissance économique de Valenciennes après la Révolution.

Les Bracq – Dubois étaient les parents de Louis Bracq, qui fut maire de Valenciennes de 1857 à 1870. Sous son mandat ont eu lieu plusieurs réalisations qui ont permis de moderniser Valenciennes (réseau d’eau public) et d’accroître la renommée culturelle et religieuse de la ville.

La tombe du député socialiste du Nord, Henri Durre, a été sculptée par Felix Desruelles. À la fin de la Première Guerre mondiale, il a été tué par une mitrailleuse allemande alors qu’il traversait les lignes ennemies avec son collègue Pierre Mélin pour rejoindre les régions occupées à quelques jours de l’Armistice. Outre un bronze de son masque funéraire, la statue figurant sur sa tombe représente une Parque. “Les Parques sont, dans la mythologie romaine, les divinités maîtresses de la destinée humaine, de la naissance à la mort. Elles sont généralement représentées comme des fileuses mesurant la vie des personnes et tranchant le destin.” (wikipedia)

On croise également des tombes originales ou plus énigmatiques, comme cette dédicace d’Edmond et Edouard à “Emilie”, décédée en 1810.

Autre curiosité, cette colonne où est représenté le beau visage de “Jeanne”, jeune femme décédée dans la fleur de l’âge.

Le gisant de la tombe d’Anna Foucart a été réalisé par le statuaire Jules-Louis Mabille de Poncheville (qui a sculpté la statue de La Ville de Lille pour l’hôtel de ville de Paris, le médaillon en marbre de Victor Leclerc pour la Sorbonne, deux cariatides pour l’hôtel de ville de Valenciennes…).
En 1860, lors de son séjour chez Jean-Baptiste Foucart, Carpeaux a exécuté le buste de la jeune fille de son hôte, alors âgée de 14 ans, dont il allait s’inspirer pour le visage de plusieurs de ses sculptures. Il en était amoureux, mais Anna a épousé Paul Sautteau, futur maire de Valenciennes.
Le musée d’Orsay possède le buste d’Anna sculpté par Jean-Baptise Carpeaux et le Musée du Louvre conserve un masque d’Anna.
Par contre, le médaillon d’après Carpeaux a été volé… :(

Le père de la famille Rodrique était éleveur de chevaux. La sculpture d’un cheval agonisant a été créée par Henri Gauquie, l’un des nombreux prix de Rome de Valenciennes.

À droite de cette surprenante tombe équestre se dresse la tombe de la famille Gouvion dont les deux fils, Maurice et René, sont “morts pour la France” à un an de différence, en février 1915 et février 1916. Maurice allait avoir 23 ans, il est décédé dans la Marne. René allait avoir 22 ans, il est décédé à Verdun.

Sur la droite, la tombe de l’architecte René Mirland, Premier Grand Prix de Prix de Rome en 1911, qui mourut de ses blessures dans les Ardennes en 1915.
Son monument funéraire a été réalisé par Elie Raset (Professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Valenciennes de 1903 à 1937, il a réalisé les monuments aux morts de Valenciennes, Bavay, Curgie et Marchiennes, ainsi que “Le Joueur de billes” au Jardin de la Rhonelle à Valenciennes).

Le soldat Étienne Postille est mort en 1918 à l’âge de 29 ans, près de Soissons, dans l’Aisne, lors de la seconde bataille de la Marne.
Le monument est l’œuvre de Félix Desruelles, l’un des plus importants artistes spécialistes de la sculpture commémorative de la Première Guerre mondiale (monuments aux morts d’Arras, Auchel, Le Quesnoy, Soultz, monument aux fusillés lillois…). Élève de Carpeaux, il a obtenu une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1900.

On relève parfois des symboles sur les tombes et on pourrait prendre ceux-ci pour les compas et les ciseaux des francs-maçons, mais François Batigny était menuisier. Il est le père de Jules Batigny, enterré juste à côté, un architecte qui reçut le Second Grand Prix de Rome en 1865. Architecte officiel du gouvernement, il travailla beaucoup dans la région, créant notamment la façade de l’hôtel de ville de Valenciennes et de l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers de Lille.

Un cimetière militaire s’étend au milieu du cimetière civil. Il accueille les tombes de soldats britanniques, canadiens, français et russes de la Première Guerre mondiale, ainsi que d’aviateurs britanniques de la Seconde Guerre mondiale.

Thomas Young était mécanicien navigant dans la RAF, au 161e Squadron. Il n’avait que 22 ans à son décès, mais était déjà marié. Le bombardier Halifax dans lequel il avait pris place s’est écrasé le 21 octobre 1943 près de Valenciennes alors qu’il se rendait en Allemagne, tuant ses 7 occupants qui sont tous enterrés à Saint-Roch.
Le soldat Tom Sugden avait été fait prisonnier. Décédé en octobre 1918, il avait d’abord été enterré au cimetière communal de Curgies, avant d’être rapatrié au cimetière de Valenciennes.

Le long du cimetière français, plusieurs monuments commémoratifs rendent hommage aux soldats et civils français, russes, italiens, aux résistants, agents des douanes, aviateurs… tombés durant les deux guerres mondiales.

Wassili Bruschimin et Jakob Serelnakow (mort à 19 ans) étaient des soldats russes prisonniers.
Arrivés par centaines puis par milliers dans le Nord de la France, ils étaient utilisés par les Allemands pour démolir des usines, réparer les routes, s’occuper des travaux des champs ou charger les minerais qui étaient expédiés vers l’Allemagne. Ils étaient mal nourris et sont souvent morts d’épuisement ou de maladie.

Le caporal Mohammed Zenati, du 6e régiment de tirailleurs algériens, est décédé accidentellement à Valenciennes en février 1919 à 28 ans.
Ould Bouchentouf Benzerga, du 6e régiment de tirailleurs algériens, est décédé d’une tuberculose aiguë en mars 1919, à l’âge de 23 ans.

Joseph Renault, originaire de la Mayenne, est décédé à 37 ans à Crespin, près de Valenciennes, dès les premiers jours de la Grande Guerre.
Eugène Recourt, qui faisait lui aussi partie de l’Infanterie territoriale (des unités militaires composées essentiellement d’hommes âgés de 34 à 49 ans) était né à Éperlecques, dans le Pas-de-Calais. Il est décédé à 35 ans à l’hôpital militaire de Valenciennes, en octobre 1914, après avoir été gravement blessé lors de combat au nord de Lille.

Cao Van Xuan était soldat au 5e régiment de Génie (spécialisé dans les travaux de voies ferrées). Il est mort à 27 ans à l’Hôpital Général de Valenciennes en avril 1919, d’une “pneumonie” (peut-être la grippe espagnole).
N’Guyen Van Sue était un travailleur colonial originaire du Tonkin (au nord du Vietnam). Il est décédé à l’hospice général de Valenciennes en mars 1919, à l’âge de 30 ans, d’un œdème pulmonaire (peut-être la grippe espagnole). Il faisait partie de ces dizaines de milliers de travailleurs “coloniaux” (pour la plupart d’Indochine) venus contribuer à la reconstruction du pays.

Valenciennes n’a pas été surnommée “l’Athène du Nord” pour rien : dix-sept lauréats du Prix de Rome sont inhumés ici ! Parmi eux :
Jean-Baptiste Carpeaux. Auteur, entre autres, de la sculpture représentant “la danse” sur la façade de l’Opéra Garnier, il réalisa de nombreuses œuvres à Paris et à Valenciennes dont la statue de la Fontaine Watteau et le fronton de l’Hôtel de Ville. Dans la région, ses œuvres sont visibles au musée de Cambrai, au palais de Compiègne, au musée de la Chartreuse de Douai, au Palais des Beaux-Arts de Lille et au Musée des Beaux-Arts de Valenciennes.

“La Danse” de Carpeaux

Henri Lemaire fut Premier Grand Prix de Rome de sculpture en 1821. Il réalisa de nombreuses œuvres dont le fronton de l’église de La Madeleine à Paris, le bas-relief de l’Arc de Triomphe représentant “la Mort du Général Marceau », les sculptures figurant les villes de Calais et de Valenciennes à la gare du Nord, les statues représentant la Rhônelle et l’Escaut sur le fronton de l’hôtel de ville de Valenciennes et le monument de l’écrivain Froissart à Valenciennes.
Son buste a été sculpté par un autre “Prix de Rome” enterré lui aussi à Saint-Roch, Gustave Crauk, qui a décoré de multiples édifices parisiens.

Gustave Crauk (qui a réalisé de nombreux monuments de villes et bustes funéraires)

– Abel de Pujol (il peignit le plafond du grand escalier du Louvre ainsi que la galerie de Diane de Fontainebleau et le plafond de la Bourse de Paris)

– Henri Derycke, Grand Prix de Rome en 1952, décédé en 1998, a reçu de nombreuses commandes de l’État. Il repose dans une petite clairière, au fond du cimetière, sous une de ses statues.

– Le “statuaire” Félix Desruelles a créé lui-même la sculpture qui allait décorer la tombe familiale. Prix de Rome, Médaille d’or de l’Exposition universelle en 1900 pour sa sculpture “Job”, il a réalisé de nombreux monuments aux morts dans les années 1920 (dont le fameux monument aux morts pacifiste d’Auchel, dans le Pas-de-Calais et le monument aux Fusillés Lillois).

Voici l’élégant monument de la famille Blas-Lalou, avec un bronze d’homme pleurant, “La douleur”, du sculpteur Alphonse-Camille Terroir (prix de Rome, auteur du “joueur de flute” et de “L’orphelin” au jardin de la Rhônelle, mais aussi de statues et monuments dans le valenciennois).

Le sculpteur Edmond Brocheton, prix de Rome, est l’auteur du médaillon en bronze qui orne sa tombe, mais aussi du monument aux morts à l’entrée du cimetière.

Les allées du cimetière Saint Roch ont d’ailleurs été nommées des artistes “Prix de Rome”, tel Charles Crauk, frère aîné de Charles, Second Grand Prix de Rome, qui a réalisé des peintures religieuses.

Non loin de la tombe de Carpeaux, on trouve l’étrange monument dédié à Sophie Liet-Thibaut, “La première Française qui soit allée aux confins, aux sources du Nil Blanc et d’exercice de la médecine d’homéopathie en faveur des classes pauvres.” Cousine de Henri Lemaire et de Carpeaux, elle a été une pionnière de l’homéopathie.

Après l’entrée principale, sur votre gauche, vous découvrez le carré juif où se dresse une pyramide commémorant les soldats morts aux combats, mais aussi les civils morts en déportation durant la Seconde Guerre mondiale.

Les plus anciens chercheront la tombe de Denise Glaser, présentatrice vedette de l’émission “Discorama” dans les années 1960-1970. Elle fit découvrir de nombreux artistes aux téléspectateurs français : Jacques Brel, Barbara, Georges Moustaki… 

Au milieu d’une allée se dresse une colonne commémorative de la société valenciennoise de secours aux blessés. Ce monument inauguré en 1872 est en réalité dédié aux militaires décédés lors de la guerre 1870 – 1871 dans les ambulances de la ville.

Un petit monument rend hommage aux membres des Canonniers Bourgeois, une corporation d’habitants créée vers 1600 pour la défense civile de la ville. Les armes de Valenciennes, reconnaissables aux deux cygnes, sont représentées au-dessus de deux canons croisés.
En 1793, ces canonniers firent face aux milliers de soldats antirévolutionnaires commandés par le duc d’York et résistèrent durant 43 jours avant de céder.

Ernest Victor Ruffin a été capitaine au 12e régiment d’artillerie, un “jeune” régiment créé par ordonnance royale en 1834. Sa croix se dresse sur une sphère représentant un boulet de canon et des canons croisés, symboles de l’artillerie.

À l’entrée du cimetière Saint Roch, une borne interactive vous guide pour retrouver un proche ou une célébrité, par ordre alphabétique, et sa localisation parmi les allées.

Des visites guidées sont organisées par l’office de tourisme de Valenciennes, libres ou sur un thème : Prix de Rome, artistes, politiques, militaires, etc.

INFORMATIONS PRATIQUES
Adresse : 79 Avenue Saint Roch (entrée principale) et 106 Avenue Duchesnois (entrée Ouest) 59300 Valenciennes
Horaires : Tous les jours. De mars à septembre inclus : de 8h à 19h, d’octobre à février inclus : de 8h à 18h.
Tarif : gratuit (les visites guidées sont payantes)

Les cimetières racontent l’histoire d’une ville ! N’hésitez pas à visiter le très vert cimetière de l’Est à Lille, l’immense cimetière de Roubaix et ses impressionnantes chapelles, l’élégant cimetière de Tourcoing, le cimetière de Croix et ses tombes anglaises, le foisonnant cimetière de la Madeleine à Amiens, le cimetière de Saint-Quentin et son riche patrimoine… et, en Belgique, Tyne Cot, le plus grand cimetière militaire du Commonwealth.

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