Coups de coeur

Le cimetière de l’Est à Lille, plus grand parc de la ville !

Envie de vous promener à l’ombre d’arbres centenaires, d’admirer les couleurs ou de sentir les parfums des jolies fleurs, de vous asseoir sur un banc pour… admirer les chapelles gothiques ? Promenez-vous au cimetière de l’Est ! C’est sans doute l’un des plus beaux cimetières de France et c’est le plus grand parc paysager de la ville de Lille.

Créé en 1779, le cimetière de l’Est est riche de trésors artistiques et architecturaux. De nombreuses personnalités lilloises y reposent, dont les anciens maires Pierre Mauroy et Roger Salengro. Mais c’est aussi un endroit de promenade, car il a été créé sur un ancien parc paysager qui appartenait à la famille Coustenoble-Dujardin. En cédant le terrain, la famille demanda que le cimetière reste planté d’arbres et de fleurs. Leur souhait fut exaucé.

cimetière de l'Est à Lille

Situé à quelques centaines de mètres de la gare Lille Europe et en face du jardin des Géants, le cimetière de l’Est regroupe 36000 tombes qui se dressent au milieu de 520 espèces végétales, sur 22 hectares. On peut y flâner durant des heures… Je m’y suis rendu une demi-douzaine de fois et je n’ai pas encore tout vu.

Contrairement au cimetière de Roubaix, où l’on sent une hiérarchie assez marquée entre les classes sociales, ici les sépultures modestes des ouvriers côtoient les chapelles funéraires opulentes de la bourgeoisie et des barons de l’industrie. Il faut dire qu’à Lille sont nées une tradition socialiste et plusieurs figures de ce mouvement politique, mais aussi des maires, des artistes et de grandes familles dont les noms ne vous sont sans doute pas inconnus.

Vous serez sans doute surpris par le grand nombre de tombes ornées de bustes, de médaillons et de statues…

Le cimetière de l’Est est, comme souvent les cimetières, un excellent moyen de découvrir l’histoire de la ville et de ses habitants.

Je vous recommande grandement le premier et seul ouvrage sur le cimetière de l’Est (« Guide du cimetière de l’Est »), écrit par Anne Hadoux-Decroo, une guide passionnée et passionnante qui propose des visites guidées à Lille.

À l’entrée principale du cimetière, vous ne pourrez pas rater l’étonnante statue en bronze « grandeur nature » représentant la violoncelliste Eliza de Try (1846-1922) jouant de son instrument. Premier prix du Conservatoire Royale de Musique de Bruxelles en 1865, elle a réalisé des tournées de concerts en France, en Belgique ainsi qu’en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas et aux États-Unis.

Le musicien Alfred Quesnay, flûtiste au théâtre de Lille, décédé en 1910, représenté par un buste en bronze que pleure une muse.

Alfred Quesnay au cimetière de l'Est à Lille

Si cette sculpture de l’angelot pleureur ne vous est pas inconnue, c’est qu’on la trouve dans de nombreux cimetières. Il est inspiré de celle qui figure dans la cathédrale d’Amiens.

Cinq résistants lillois de la Grande Guerre sont enterrés dans le cimetière de Lille Est : Jules Maertens, Eugène Deconynck, Sylvère Verhulst, et Eugène Jacquet, qui furent exécutés le 22 septembre 1915, et Léon Trullin, fusillés le 8 novembre à 18 ans. 
La tombe de Jules Maertens est la plus saisissante : son corps gît à terre, pleuré par une allégorie en bronze de la France. Le mur de briques serait un morceau original de la citadelle contre lequel il a été fusillé.

Eugène Jacquet, chef du comité de résistance, était franc-maçon. Sa tombe est ornée des attributs de la société à laquelle il appartenait (maillets, poignée de main, pyramides).

La tombe de Sylvère Verhulst est plus classique, mais elle est ornée d’un médaillon en bronze le représentant de profil.

La très belle tombe Decottignies représentant une mère âgée agenouillée devant la simple croix de bois, surmontée d’un casque de poilu, de son fils.
Sur la croix, on distingue le régiment (365e d’infanterie), mais le prénom est presque effacé. Par recoupement, il s’agit sans doute de Camille Decottignies, caporal au 365e RI, né à Lille et mort dans l’Aisne à l’âge de 23 ans, le 20 juillet 1918.
Ses parents, Charles et Sophie, décédés en 1939 et 1940, sont enterrés sous ce monument.

la tombe Decottignies au cimetière de l'Est à Lille

Edmond Riquier-Delaunay était un chanteur lyrique qui oeuvra au Théâtre de l’Opéra Comique de Paris puis au Théâtre lyrique et en Belgique.

tombe avec des angelots

Desrousseaux… Ce nom me dit quelque chose… Un « trouvère » ? Ah, mais oui ! C’est le créateur de la célèbre chanson « Le p’tit quinquin », emblématique du Nord.

La tombe de Desrousseaux, créateur de la chanson du ptit quinquin au cimetière de l'Est à Lille,
jolie tombe Art Déco
intérieur d'une chapelle

La tombe de la famille Delepoulle. Entrepreneur, Louis-Alfred Delepoulle a été pris comme otage par l’armée allemande durant la Première Guerre mondiale. Après le conflit, il a créé l’association des otages de représailles, puis est devenu vice-président du Comité pour l’érection du Monument aux Morts de Lille. Il est d’ailleurs représenté sur ce monument parmi les quelques personnages nommés les « Captifs ».

tombe de Louis Delepoulle au cimetière de l'Est à Lille

L’imposante tombe de la famille Degryse, influencé par l’Art Déco, présente un superbe bas-relief représentant la résurrection du Christ.

Vers le fond du cimetière se trouvent parmi les tombes les plus anciennes, un carré juif et plusieurs tombes de citoyens britanniques qui s’étaient installés à Lille vers le milieu du 19e siècle. C’est aussi là que la végétation est la plus luxuriante.

tombe ancienne et végétation au cimetière de l'Est à Lille

Un véritable mausolée semblable à un temple grec pour la famille Leconte-Collette, de commerçants vendeurs de chaussures qui possédaient une grande boutique à Lille. Sur les côtés du « cercueil » de pierre figurent les visages d’une fille et d’une belle-fille du fondateur.

André Guilbert fut le premier pilote à décéder durant les 24 heures du Mans, en mai 1925, à la suite d’une collision avec un camion sur la route menant au circuit. Il n’avait que 22 ans.

Une colombe en bronze tenant en son bec un rameau d’olivier sur une tombe très stylisée.

Né dans une famlle modeste, Gaston Dubar était devenu patron de presse et banquier : il était directeur de l’Echo du Nord et président du Crédit du Nord. On distingue autour de la croix une guirlande de pommes de pin, un ancien symbole d’immortalité et de fertilité (que l’on retrouve, par exemple, dans l’hôtel particulier des Bouctot-Vagniez à Amiens).

L’impressionnant monument de la famille Delebart-Mallet, une dynastie textile fondatrice d’un des principaux ensembles de filatures de coton de la région lilloise. On y distingue de nombreux symboles funéraires : des pleureuses grandeur nature (sculptées par Edgar Boutry, qui a réalisé entre autre, les sculptures du monument aux morts de Lille) ; des fleurs de pavots, symboles de sommeil éternel, sur la porte ; des flambeaux renversés, symbolisant la mort…

Au milieu d’un des « rond points » du cimetière s’élève le grand mausolée au général Faidherbe. Il a commandé l’armée du Nord pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, puis a été élu député et enfin sénateur du Nord à partir de 1871. Il a aussi été gouverneur du Sénégal, qu’il a participé à coloniser, entre 1854 et 1865.

Le monument Mulié-Delécaille, famille d’industriels du textile, est surmonté d’une très jolie sculpture d’un ange ailé. L’histoire est triste, car Charles et Thérèse ont perdu leurs deux premiers enfants en bas âge. Le monument est de l’architecte Albert Baert et la sculpture d’Edgar Boutry.

Edmond Deren, représenté sur sa tombe avec sa clarinette, fut professeur de musique au conservatoire de Lille.

Le tombeau de la famille Melchior avec, au pied du crucifix, les blasons de la croix de Lorraine, de Lille et des Flandres. La famille Melchior était gérante des Annuaires Ravet-Anceau.

La chapelle de la famille Gonnet, de style néo-gothique, réalisée par Charles Leroy (architecte, entre autres, de l’église Saint Martin de Croix, Saint Christophe de Tourcoing et Notre-Dame de la Treille). Elle devait être suffisamment grande pour contenir une quarantaine de sépultures !

Les pleureuses attirent l’attention sur la chapelle de la famille Casse, qui fut propriétaire d’une manufacture de tulle et dentelle à Fives.

Un vitrail typiquement Art Déco, avec des roses très stylisées.

Militant socialiste, Henri Ghesquière fut député du Nord de 1906 à sa mort. Il œuvra pour améliorer les conditions de vie et de travail de la population, mais mourut emprisonné durant la Grande Guerre pour incitation à la grève des ouvrières travaillant pour l’ennemi. Sa tombe porte l’écusson circulaire de la « SFIO » (« Parti socialiste, section de l’Internationale ouvrière »).

Roger Salengro, dont beaucoup de rues portent le nom dans les Hauts-de-France, a été député socialiste du Nord et ministre de l’Intérieur du gouvernement Blum.
La tombe d’Henri Dillies porte l’écusson circulaire du SFIO et l’inscription « Mort pour le prolétariat » (il a été écrasé par une voiture conduite par le camp adverse lors de la campagne électorale municipale de Lille de juin 1929).

Militant socialiste, Eugène Pouillaude était en 1929 secrétaire des Jeunesses socialistes du quartier Saint-Maurice à Lille.

Arthur Courouble était un éminent membre de la SFIO. Son frère Charles, ouvrier peintre, fut candidat socialiste aux élections municipales de 1919, puis déménagea à Courbevoie où il fut militant communiste.

Non loin de ces tombes de personnalités socialistes se dressent les tombeaux de deux francs-maçons, face à face.
Le premier est le célèbre architecte lillois Albert Baert, qui a construit les bains municipaux de Lille, Dunkerque et Roubaix (devenu le Musée de la piscine), ainsi que des villas à Malo-les-Bains et Lille, les Galeries lilloises et l’hôtel des Cariatides à Lille. Membre de la loge maçonnique « La Lumière du Nord », il a créé le temple maçonnique de Lille.
Sur sa tombe, on peut lire « T S d’honneur des chev R C de La Lumière du Nord (33) » = « Très Sage d’honneur des Chevalier Rose-Croix de la loge La Lumière du Nord – Maître Franc-Maçon 33e degré ».

En face, la tombe du docteur Charles Debierre affiche plus ostensiblement ses symboles francs-maçons inspirés par le « rite égyptien » : une pyramide avec l’oeil de la Providence et ses rayons solaires, le disque solaire ailé et des tiges de palmier stylisées. Sa tombe porte l’inscription « Vén et T S des At de la Lumière du Nord à Lille » = « Vénérable et Très Sérénissime des Ateliers de la Lumière du Nord à Lille ». Il fut Vénérable Maître de la loge durant 30 ans.
Médecin militaire et professeur d’anatomie, Debierre a aussi été adjoint au maire socialiste Gustave Delory, puis sénateur.

Une marre a été creusée au fond du cimetière pour attirer les tritons et les libellules. Les oiseaux et les chauves-souris viennent y boire.

Pour finir, le tombeau de la famille Mac Cartan. Fuyant la répression britannique en Irlande du Nord, Anthony Mac Cartan est arrivé en France vers 1702. Son  fils Antoine est né à Valenciennes : les Mac Cartan s’y sont fixé pour un siècle et ont eu une nombreuse descendance. Parmi celles-ci : la branche de Gaulle-Maillot !
La petite fille d’Andronic Mac Cartan, Julia Mac Cartan Delannoy, est la grand-mère du Général Charles de Gaulle.

Famille Mac Cartan De Gaulle

Des visites guidées du cimetière sont organisées par l’Office du Tourisme de Lille. N’hésitez pas à le contacter.

INFORMATIONS PRATIQUES

Adresse : 1 rue du Ballon 59000 Lille
Horaires : Ouvert tous les jours de 8h à 17h (dernière entrée possible à 16h45).
Renseignements : 03.62.26.08.24 ou cimest@mairie-lille.fr

Puisque vous êtes dans le coin, vous pouvez vous promener dans le Jardin des géants ou découvrir le très nature Fort de Mons-en-Baroeul.

Les cimetières racontent l’histoire d’une ville ! N’hésitez pas à visiter le « petit Père-Lachaise » de Valenciennes, l’immense cimetière de Roubaix et ses impressionnantes chapelles, l’élégant cimetière de Tourcoing, le cimetière de Croix et ses tombes anglaises, le foisonnant cimetière de la Madeleine à Amiens, le cimetière de Saint-Quentin et son riche patrimoine… et, en Belgique, Tyne Cot, le plus grand cimetière militaire du Commonwealth.

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2 commentaires

  1. Jocelyne Lefebvre a dit :

    Je l’ai découvert, par hasard, la semaine dernière, et suis immédiatement tombée sous le charme ! Un des cimetières les plus verts que je connaisse, dans la région Nord. Y retournerai dès que je le peu, pour faire et découvrir d’autres parties, que je n’ai pu voir ce jour-là… Enthousiaste !

    1. Bonjour Jocelyne.
      C’est effectivement l’un des plus beaux cimetières de la région, je comprends votre coup de cœur !

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