Si vous avez vu le film « Bienvenue chez les Ch’tis », vous vous souvenez sûrement de la scène où le personnage joué par Kad Merhad emmène son épouse dans des corons sombres et délabrés. En 2007, le film a provoqué un électrochoc dans l’ancienne Cité des Électriciens, déclenchant sa transformation en un formidable lieu d’interprétation et d’expositions.
Plus ancienne cité conservée dans le bassin minier, la Cité des Électriciens à Bruay-la-Buissière est aujourd’hui devenue un site culturel et touristique majeur.
Réhabilitée par Philippe Prost, architecte urbaniste, la cité vous accueille entre corons remis à neuf et nouveau bâtiment contemporain. Elle s’est métamorphosée : trois résidences pour artistes, paysagistes, romanciers et historiens, un restaurant “local”, un barreau-musée et un centre d’interprétation pour découvrir et comprendre le patrimoine minier de manière ludique et interactive. Et si vous voulez passer le week-end sur place, des gîtes chaleureux à la décoration soignée peuvent vous héberger. Le tout au milieu de jardins potagers et d’un verger.
L’histoire de la cité des Électriciens
La cité a été construite par la Compagnie des mines de Bruay entre 1856 et 1861 pour loger les familles des mineurs (majoritairement des agriculteurs qui avaient quitté leur campagne) qui travaillaient à la fosse n°1 de Bruay-la-Buissière. Par la suite, de nombreux immigrés sont venus travailler au fond : des mineurs de presque 30 nationalités ont vécu ici !
Encouragé par un gouvernement qui voulait promouvoir les progrès de la science, la Compagnie des mines a choisi de grands savants ayant fait des découvertes en matière d’électricité pour nommer les rues de la cité : Ampère, Marconi, Volta, Edison, Coulomb, Franklin, Laplace, Faraday, Branly et Gramme, d’où son surnom !
Il existe aussi aux alentours une cité des poètes, une cité des aviateurs, une cité des fleurs…
Vers 2009, la Cité des Électriciens, vidée de ces derniers habitants, jamais rénovée, était à l’abandon. On pensait même à la raser entièrement… Mais après le succès de “Bienvenue chez les Ch’tis”, des milliers de fans sont venus à Bruay-la-Buissière pour voir les lieux du tournage (ils sont même repartis avec des briques. 5000 ont disparu !)
À partir de 2009, on a commencé à penser un projet de réhabilitation : l’immense majorité des corons ayant été détruits dans le Nord-Pas-de-Calais, il était important de préserver la Cité des Électriciens. Historiquement importante et révélatrice du bassin minier, la cité a donc été inscrite aux Monuments historiques, ce qui empêchait sa démolition.
Les travaux ont commencé en 2012, année du classement UNESCO du Bassin minier, qui l’a reconnue comme site pilote d’un « patrimoine culturel évolutif vivant ».
Le sol n’était pas stable et certaines maisons s’étaient effondrées, car la cité avait été construite sur une carrière de marne (un mélange de calcaire et d’argile). Avant tout, il a donc fallu consolider le sous-sol en y injectant des tonnes de béton !
Des artisans locaux et nationaux ont ensuite été invités sur le chantier pour leur connaissance du savoir-faire de l’époque. Et l’architecte Philippe Prost (qui a créé l’Anneau de la mémoire de Notre-Dame de Lorette) a trouvé l’idée du projet : culturel et scientifique, mettant en valeur le paysage, l’urbanisme et l’habitat minier, plutôt que le travail et la mine.
Le centre d’interprétation
Paré de tuiles rouges, le centre est un lieu de mémoire vivant où vous pouvez découvrir l’histoire de l’habitat minier le long d’un parcours multimédia ludique et original.
N’hésitez pas à y emmener vos enfants, ils pourront visionner des vidéos, manipuler des objets en bois, écouter des messages sonores d’anciens habitants…
Plusieurs vidéos explicatives permettent de comprendre le fonctionnement de la mine, les évolutions techniques et les différentes installations, en relation avec l’habitat tout proche.
Sur ce jeu tactile interactif, vous pouvez déplacer les maisons et les chevalements pour tenter de créer la ville la plus “pratique”, la “mieux pensée”…
Les différents détails architecturaux sont soulignés et décrits pour chaque époque et chaque style de cités minières (coron, cité-jardin, etc.)
Une longue frise chronologique raconte les grandes dates de la mine et de l’habitat minier dans toute l’Europe.
Vous pouvez saisir chacun des panneaux pour mieux le lire.
Mireille, la très jolie géante de la cité, tient dans sa main une cage contenant un canari (cet oiseau était utilisé pour détecter l’oxyde de carbone dans les tunnels de mine).
La robe (signée Naïké Louchart – créatrice béthunoise) est confectionnée avec des tissus recyclés, nobles et résistants, dont de la dentelle de Calais. Les 1600 fleurs multicolores qui ornent le bas de sa robe ont été confectionnées par des habitants, jeunes et retraités durant des ateliers locaux.
À l’extérieur du centre d’interprétation, une grande carte en relief représente les terrils, cités et chevalements encore debout dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Encore debout ? Oui, car beaucoup de terrils et la plupart des chevalements ont été détruits dans les années 1980 et 1990.
Le barreau n°2 de la Cité des Électriciens
Le barreau, installé dans une ancienne “barre” de corons, met en valeur la mémoire de la Cité des Électriciens, son renouveau et son classement UNESCO.
Des articles de journaux, des images d’archives et des photos nous font découvrir la vie intime des mineurs dans la cité au 19e et au 20e siècle : la Sainte-Barbe, les fanfares, les bals, l’éducation ménagère des filles, les pauses café, la décoration intérieure des logements…
Si l’extérieur des maisons était simple, mais efficace, les finitions intérieures laissaient à désirer : on le voit particulièrement avec l’agencement des briques “un peu n’importe comment”. Cela avait peu d’importance pour la compagnie (on ne les voyait pas de l’extérieur…), mais, de ce fait, l’isolation thermique des corons était souvent médiocre.
Dans “le barreau”, une partie d’un coron a été conservé à l’identique et joliment mis en scène pour souligner les différentes couches qui se sont superposées sur les murs au fil des ans. Au départ, la brique nue était recouverte de torchis puis de chaux bleue (pour l’hygiène). Les mineurs collaient du papier journal par-dessus pour isoler. Les années 1930 virent l’apparition du papier peint, que l’on changeait plusieurs fois par an, si on en avait les moyens. Mais on n’enlevait pas la couche du dessous, toujours pour l’isolation. Finalement, on se retrouvait avec une belle épaisseur sur les murs !
L’Histoire de la cité est racontée à travers ses papiers peints, mais aussi le sol en terre battue, recouvert de carrelage puis, à partir des années 1970, de linoleum.
Le classement du Bassin Minier par l’UNESCO l’a élevé au même niveau que les pyramides égyptiennes et le Taj Mahal, en soulignant (et c’est important), la notion de Patrimoine vivant : les Grands Bureaux des mines de Lens sont devenus une université, le site minier de Lewarde s’est mué en musée, la Cité des Électriciens accueille des gites et un restaurant, le Parc des iles à Hénin / Carvin s’est transformé en zone naturelle, etc.
Des bornes visuelles et sonores permettent un véritable voyage dans le temps, grâce aux témoignages, souvenirs et photographies des anciens habitants de la cité.
Les dimanche et mercredi, des visites guidées ou théâtralisées vous permettent de découvrir la vie dans la Cité des Électriciens : paysage, architecture, habitat, art ou patrimoine mondial.
Chaque mercredi, des ateliers jardinage, peinture, sculpture ou jeux de construction sont proposés aux enfants à partir de 6 ans.
Vous pouvez donc visiter la cité selon une thématique précise, pendant que vos enfants participent à un atelier sur le même thème !
La visite “Petites et grandes histoires de la cité”
Lors de cette visite, vous découvrez l’histoire de la cité des électriciens, la manière dont ont été construits puis réhabilités les logements des mineurs. Comme on a pu le découvrir dans le centre d’interprétation, les “corons” sont assez typiques d’une certaine époque, car, à partir de 1890, on a vu apparaître des cités pavillonnaires puis des cités-jardins, et les corons ont été peu à peu délaissés.
La différence est flagrante quand vous visitez la Cité des Électriciens et, par exemple, la cité 9 de Lens : les corons sont petits, rationnels, sans décoration (ils ont été pensés par des ingénieurs), alors que les cités jardins ont plus de confort, de lumière, d’aération et d’espace (elles ont été pensées par des architectes).
Je ne vais pas “divulgâcher” tous les commentaires offerts durant cette visite, mais le guide raconte de nombreuses anecdotes qui permettent de mieux comprendre comment la cité a été érigée et pourquoi elle a ce visage. Un exemple ? Les différentes compagnies minières, également propriétaires des briqueteries qui alimentaient les constructions, badigeonnaient les corons de “leurs” couleurs pour se différencier.
Et les habitations possédaient des fenêtres pas tant pour y laisser entrer la lumière que pour… frimer ! À l’époque, on s’acquittait d’un impôt sur les fenêtres. Les compagnies, propriétaires des maisons, voulaient montrer qu’elles étaient riches et donc capables de payer !
Les parcelles de jardin permettaient aux mineurs de se détendre et de nourrir leur famille nombreuse. Les femmes s’occupaient aussi des jardins, en y semant des fleurs et des plantes médicinales.
Selon leur nationalité, les mineurs ne cultivaient pas les mêmes végétaux : chacune des 29 nationalités de la cité est venue avec ses fleurs, ses fruits et ses graines. On trouve ainsi des figuiers (Maghreb), des kakis (Chine), du basilic (Italie), du chou et des cornichons (Pologne) ou des navets (Allemagne).
La maison de l’ingénieur
Juste à côté de la cité, l’ancienne maison de l’ingénieur accueille des expositions “décalées” en rapport avec l’habitat minier. Lorsque j’y suis passé, les designers du collectif AEquo présentaient le travail qu’ils avaient organisé avec des habitants, et les pièces de décoration ou de mobilier qu’ils avaient créé au cœur de l’exposition “Quand le design rend visite au patrimoine”.
Vous pouvez stationner gratuitement sur le parking n°2, à l’entrée de la Cité des Électriciens, rue Franklin.
La cité est également desservie par le bus (accessible depuis la gare de Béthune, arrêt « Gare Poincaré ») :
– Bulle 2 : arrêt “Place de l’Europe” situé à 500m de la Cité des Électriciens
– Ligne 14 : arrêt “Cité des Électriciens” en face du site.
Le centre d’interprétation, la salle d’expositions temporaires et les extérieurs de la Cité sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.
INFORMATIONS PRATIQUES
Adresse : Rue Franklin 62700 Bruay-la-Buissière.
Horaires : Ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 11h à 18h.
Le centre d’interprétation est ouvert de 11h à 18h.
Les salles d’exposition temporaire sont ouvertes de 14h à 18h.
Tarif : vous pouvez vous promener gratuitement dans la cité.
Accès au centre d’interprétation et aux salles d’exposition temporaires : 6€ / 4€.
Les visites guidées thématiques sont organisées les mercredi et dimanche (8 € / 5 €).
Renseignements : 03 21 01 94 20
Puisque vous êtes dans le coin, remontez vers la Maison du mineur d’Annezin ou faites le tour de la jolie gare d’eau de Béthune.
Vous pouvez aussi grimper les terrils du “Pays à part” d’Haillicourt et, plus au sud, parcourir le bois Louis et d’Epenin.
Et si le passé industriel vous passionne, visitez la ville de Lillers et son musée de la chaussure. Vous pouvez aussi faire un bon dans le temps au Château d’Olhain.
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