Située sur la Grand Place de Comines, l’église Saint-Chrysole se dresse face au beffroi et à la mairie. Dans une région où l’on trouve surtout des églises gothiques ou néo-flamandes, l’édifice surprend autant par sa forme inhabituelle que par ses couleurs et son style néo-byzantin. Croyez-moi, vous n’avez jamais vu une église comme celle-là !
L’ancienne église de Comines (la collégiale Saint-Pierre) avait été détruite pendant la guerre 1914-1918. Édifiée vers le 3e siècle, elle avait tour à tour été détruite et reconstruite, suivant les guerres de religion puis la Révolution. Comme de nombreuses villes des Hauts-de-France, Comines voulut reconstruire une nouvelle église… mais elle ne le fit pas comme tout le monde !
L’histoire de l’église Saint Chrysole
L’église Saint Chrysole a été conçue en 1922 par Maurice Storez, qui s’est associé à Dom Paul Bellot, célèbre moine-architecte.
Les deux hommes étaient faits pour s’entendre. Maurice Storez était architecte, mais aussi aquarelliste, professeur de dessin, conférencier, auteur pour différents journaux d’art et architecte des monuments historiques de l’Eure. Il était surtout catholique et fondateur de l’Arche, un groupe de jeunes artistes dont l’ambition était de travailler au renouveau de l’art sacré en France. Dom Paul Bellot était un architecte, célèbre pour ses constructions modernes d’églises et d’abbayes en France, en Belgique et aux Pays-Bas, qui avait décidé d’embrasser une carrière religieuse en mettant son art au service de la communauté.
Les deux hommes, qui allaient travailler ensemble sur plusieurs projets, ne voulaient pas reproduire l’ancienne collégiale et son style hallekerque en briques, avec un toit pointu et une flèche. Ils préférèrent un modèle “en croix grecque”, d’inspiration orientale, proche du plan de l’église des Saints Apôtres de l’ancienne Constantinople.
Construite de 1925 à 1928, l’église de Comines affiche donc un style que l’on nomme “néo-byzantin”, c’est-à-dire inspiré par l’Empire byzantin orthodoxe, auquel Dom Bellot a ajouté des touches d’architecture islamique.
L’utilisation de la brique et de la céramique rappelle toutefois la tradition flamande et l’église a été bâtie en béton armé, le nouveau matériau, pratique et solide, de la Reconstruction. Ainsi, le dôme qui surmonte la coupole est formé d’une double coque en béton armé, couverte de céramique polychrome.
Classée monument historique en 2002, l’église Saint Chrysole a été rénovée de 2010 à 2016, afin de lui rendre son éclat d’origine. Elle témoigne de la richesse des édifices construits durant l’entre-deux-guerres dans les Hauts-de-France.
L’extérieur de l’église Saint Chrysole
L’église n’a vraiment rien à voir avec le style renaissance flamande de la place de Comines, alors que le beffroi (inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2005) et l’hôtel de ville qui lui font face, ont été construits seulement 3 ans auparavant, sur les plans de Louis-Marie Cordonnier.
Lorsque l’on regarde l’église Saint Chrysole pour la première fois, on pourrait se croire face à une mosquée.
Durant ses années de formation, plusieurs voyages en Espagne avaient permis à Dom Bellot de découvrir l’architecture mauresque qui l’avait beaucoup impressionné. Maurice Storez se serait, quant à lui, inspiré de l’abbaye de la Dormition de Jérusalem.
On est également surpris par l’usage revendiqué du béton armé. Dans les années 1920 et 1930, la structure en béton des beaucoup d’églises reconstruites a systématiquement été recouverte de briques pour donner l’impression qu’elles étaient plus anciennes. Maurice Storez et Dom Bellot, eux, ont décidé de laisser visible l’ossature de béton, et les parties ajourées ont été comblées avec des briques et des parpaings de différentes couleurs.
Le dôme polygonal, recouvert de mosaïques en céramique, n’est qu’un avant-gout de la polychromie qui va s’exprimer pleinement dans l’église.
Le bâtiment paraît plus moderne qu’il ne l’est, mais le monument aux morts (sculpté en 1929) trahit son âge. Fixé sur le campanile, il rend hommage aux soldats tombés durant la Grande Guerre. L’arrière-plan du monument, derrière les deux personnages, représente la ville telle qu’elle était avant sa destruction, et notamment la Collégiale Saint-Pierre.
Autre hommage aux morts de la guerre 1914-1918 : les cloches. Elles avaient disparu durant la guerre et les nouvelles ont été installées entre 1929 et 1930. Celle qui sonne la note Mi, surnommée “la cloche des morts”, est gravée “Alphonse Louis Auguste Georges Gustave”, des prénoms de soldats cominois morts au champ d’honneur.
SAINT CHRYSOLE
Saint Chrysole serait né en 3ᵉ siècle en Arménie, dans une famille royale et chrétienne. Il est l’un des sept missionnaires qui portèrent la parole de l’évangile dans le nord de la France et la Belgique. Sur les bords de la Lys, Chrysole évangélisa les populations, malgré l’opposition des chefs gaulois et des Romains. Il termina sa vie aux alentours de Comines. Selon la légende, un Romain lui aurait ouvert le crâne avec son glaive à Verlinghem, mais Chrysole aurait marché avec la calotte crânienne dans les mains jusqu’à Comines.
L’intérieur de l’église Saint Chrysole
Quand on franchit le seuil de l’église Saint Chrysole, on en prend plein les yeux ! Grâce à sa restauration, l’église de Comines a retrouvé ses couleurs des années 1930. Choisies par Dom Bellot, ces teintes étonnantes rappellent les couleurs vives et chatoyantes de l’art byzantin, soulignées par les magnifiques vitraux.
Admirateur de Viollet-le-Duc (le grand architecte du XIXe siècle qui avait redécouvert l’art médiéval), Dom Bellot avait embrassé son idée de « rationalisme structural » : la structure architecturale répond à la nécessité dictée par la fonction du bâtiment. Durant toute sa carrière, Dom Bellot bâtit des édifices religieux fonctionnels, propices à la prière et au recueillement, dont la seule décoration était constituée par les lignes de force de la structure du bâtiment.
Mais si le béton armé, solide et peu onéreux, fut utilisé avec bonheur pour créer de grandes ouvertures et de hauts volumes, Maurice Storez et Dom Bellot réalisèrent que son aspect brut et dépouillé était bien moins élégant que la pierre. Ils comblèrent l’ossature de béton nu avec des parpaings colorés et des briques vernissées, puis choisirent de peindre les murs et les colonnes.
Dans le choix des matériaux, dans les formes, dans les ferronneries (notamment les très beaux candélabres), on sent aussi l’influence de l’Art Déco qui s’épanouit pleinement après-guerre.
Durant les travaux de creusement des fondations, on a retrouvé le tombeau de Jean Ier de la Clyte (chevalier de la Toison d’or et souverain bailli de Flandres) et de son épouse Jeanne de Ghistelle, et le cœur de Charles de Croÿ dans une urne. Le gisant de Jean II de Comines, datant du 15ᵉ siècle, revêtu de sa cotte de mailles, la tête posée sur un coussin, est visible dans l’église Saint Chrysole.
Avant la réforme du Concile Vatican II, le prêtre s’installait dans une “chaire de vérité” pour prêcher l’Évangile. Lorsque, le 7 février 1929, l’église Saint Chrysole fut inaugurée, la chaire n’existait pas encore. En 1931, Dom Bellot donna à son élève et collaborateur – le Frère François Mes – les indications qui allaient lui permettre de dessiner la chaire.
Toutefois, dans les années soixante, l’église subit de grandes modifications : pour installer un nouvel autel plus proche des fidèles, il fallut supprimer la volumineuse chaire de vérité, qu’on n’utilisait déjà plus.
Durant les travaux de restauration, on décida de reconstituer la chaire dont il ne restait que les plans de Dom Bellot et quelques photographies. Le résultat est saisissant !
Plusieurs autres éléments de l’église n’étaient pas terminés lorsque l’édifice fut inauguré en 1929.
– En 1930, on installa dans le chœur un maître-autel de marbre blanc, sous lequel le maître verrier et mosaïste Gaudin conçut un tombeau en mosaïque.
– En 1933, Arthur Abeele peignit l’intérieur de l’église en respectant les consignes (du rose ! du vert !) et les croquis de Dom Bellot.
– Les vitraux furent réalisés en 1936 et 1937 (jusqu’à cette date, les fenêtres furent garnies de verre jaune).
Dans les années soixante, on installa un grand podium dans le chœur. On fit disparaître le maître-autel en marbre blanc que l’on remplaça par un nouvel autel, en cuivre martelé. Et, finalement, l’église fut repeinte en blanc.
Heureusement, lors des récents travaux de restauration de l’église, les Monuments historiques ont décidé de remettre l’église quasiment dans son état d’origine.
Le maître-autel de Saint Chrysole est surmonté par un “ciborium” blanc et rouge, qui évoque l’art des premiers chrétiens. Un ciborium, plus connu de nos jours sous le terme de baldaquin, est une structure conçue généralement en métal, en pierre ou en bois, à quatre colonnes, et surmontée d’un dôme.
C’est le peintre lillois Turpin qui fut chargé de décorer le ciborium, avec les mêmes couleurs chaudes qui illuminaient les arcs et le dôme. Dans les années soixante, lui aussi, avait été repeint en blanc et, lors de la restauration, le ciborium a été entièrement redécoré aux pochoirs pour retrouver ses couleurs d’origine.
Derrière le chœur se trouve la chapelle dédiée à Notre-Dame-de-Grâce. Le superbe vitrail qui surplombe l’autel de marbre est le plus ancien de l’église.
Sur le site izi.travel, un audioguide est disponible par l’intermédiaire d’une application (téléchargeable sur l’App store ou Google store) ou en vous rendant directement sur le site.
Vous pouvez profiter d’une visite virtuelle de l’église Saint Chrysole.
Des visites guidées sont également organisées de temps à autre. Renseignez-vous auprès de l’Office du Tourisme du Val de Deule.
INFORMATIONS PRATIQUES
Adresse : 11, Grand Place 59560 Comines
Horaires : le samedi matin et le lundi matin.
Tarif : gratuit.
Si vous aimez les églises “originales”, je vous conseille aussi l’église de Masnières, dans le Cambrésis, à la fois Art Déco et néo-gothique.
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