Le Nord-Pas-de-Calais a eu une longue histoire minière et c’est à Oignies que fut remontée la toute dernière berline de charbon, il y a un peu plus de 30 ans, en décembre 1990, mettant fin à 270 années d’extraction charbonnière. Le site du 9-9bis est l’un des Grands sites du Bassin minier Patrimoine Mondial depuis 2012.
Il a été conservé en excellent état et en quasi-totalité : bâtiment des machines, salles des douches, cavaliers, équipement d’air comprimé… Tout y est ou presque !
Il propose désormais un projet culturel et artistique axé sur la musique et le son, et la valorisation du patrimoine minier. Un jour prochain, on l’espère, un formidable musée y verra le jour !
L’histoire du site de Oignies… et du charbon en France
Jusqu’en 1713 et le traité d’Utrecht, la France extrayait son charbon dans les “Pays-Bas méridionaux”, c’est-à-dire la Belgique, où son exploitation avait commencé dès le Moyen-Âge. Après cette date, ce territoire n’appartenant plus au Royaume de France, il fut impossible de se fournir en houille sans payer un droit d’importation, mais les scientifiques étaient persuadés que la “veine” de charbon présente en Belgique se prolongeait dans le nord de la France. Et ils avaient raison puisqu’en février 1720, à Fresnes-sur-Escaut, près de Valenciennes, fut découvert le premier filon de charbon. L’industrie charbonnière prit pied dans le Nord.
Les recherches continuèrent en ligne droite et l’on ne trouva plus de charbon par la suite… puisque la veine remontait en réalité vers le Pas-de-Calais. Ce ne fut qu’en 1842 que l’ingénieur Louis-Georges Mulot mit à jour un filon de charbon prometteur dans le parc du château de Madame Henriette De Clercq (actuel Bois des Hautois), à Oignies, dans le Pas-de-Calais.
Dix ans plus tard, Madame De Clercq et Monsieur Mulot fondèrent la puissante “Société des Mines de Dourges” qui exploita le charbon dans les communes environnantes.
Madame De Clercq décéda en 1878.
La fosse du 9-9 bis quant à elle, fut édifiée dans les années 1930, et équipée des techniques les plus modernes pour l’époque. Les premières berlines remontèrent le charbon à partir de 1933, le site employa jusqu’à 2500 personnes… et l’extraction cessa en 1965. C’est en réalité à 1,5km plus loin, à Dourges, que les charbons de toutes les fosses alentour furent remontés par la fosse 10 (qui était alors le plus grand puits du bassin minier). Le site du 9-9bis devint un site consacré à l’entretien du matériel, à l’apprentissage de la sécurité et au personnel. Et pourtant, c’est bien ici que les journalistes filmèrent la remontée de la dernière berline de charbon de France… en provenance de la fosse 10, reliée par le fond à la fosse 9-9 bis d’Oignies !
Comme la plupart des autres sites miniers, celui d’Oignies aurait dû être rasé, mais la localité et les anciens mineurs travaillèrent ensemble pour qu’il soit conservé. En 1994, les bâtiments furent inscrits aux Monuments Historiques, rendant toute destruction impossible. Puis, le site fut racheté en 2003 par la communauté d’Hénin-Carvin (pour un euro symbolique) dans le but de transformer l’endroit autour d’un projet culturel.
De nos jours, “Le 9-9bis” est un ancien site minier, mais pas uniquement ! C’est aussi un projet culturel et artistique articulé autour du son, dont l’aboutissement est la salle de spectacle Le Métaphone, qui est aussi un instrument de musique géant avec sa façade équipée d’une peau sonore.
Les puits 9/9bis d’Oignies font partie des cinq grands sites de la mémoire minière avec le 11/19 à Loos-en-Gohelle, la fosse Delloye à Lewarde, la fosse Wallers à Arenberg et la Cité des Électriciens à Bruay-la-Buissière. Le 9/9bis représente un ensemble minier complet avec les bâtiments, les chevalements, la fosse, le terril 110 et la cité-jardin De Clercq.
Le 30 juin 2012, le site a d’ailleurs été inscrit, avec 352 autres éléments représentatifs du Bassin minier Nord-Pas de Calais, sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de “paysage culturel évolutif vivant“.
La base du 9-9bis
Les années 1930 étaient les années du béton armé et de l’Art Déco. Les bâtiments du 9-9bis furent donc construits en béton armé revêtu de briques rouges, avec un style néo-régionaliste à la fois géométrique et élégant, souligné de discrètes touches végétales.
Ernest Delille était l’architecte en chef des Mines de Dourges. C’est lui qui est à l’origine de la première cité-jardin du Bassin Minier du Nord-Pas-de-Calais, la cité Bruno de Dourges. Il a créé un style architectural appelé “style Mines de Dourges”, caractérisé par l’utilisation de faux colombages et de toitures à longs-pans.
Les membres de l’association “Acccusto Seci” (composée d’anciens mineurs et de passionnés) entretiennent le site et restaurent les machines du 9-9bis depuis 1993. J’ai eu la chance de profiter d’une visite guidée consacrée à l’histoire du site et aux machines (encore en état de marche) par deux membres de l’association, aussi érudits que sympathiques. Si vous avez l’occasion de participer à l’une de ces visites, ne passez pas à côté !
Le début des visites se fait dans l’ancien bâtiment des douches, devenu lieu d’exposition et d’accueil.
Sur les vitres des bureaux sont résumées les dates importantes du site et de l’exploitation du charbon dans le Bassin Minier, de la découverte de la première veine de houille jusqu’au classement à l’UNESCO.
La visite organisée par l’association “Acccusto Seci” est menée par deux membres (dont le président) en tenue de mineurs. On est immédiatement plongé dans l’ambiance !
Les chevalements qui se dressent fièrement vers le ciel marquent l’emplacement des deux puits : le 9 et le 9 bis
Les réservoirs sombres à gauche contenaient de l’air comprimé, qui fut utilisé jusqu’aux années 1960/1970, notamment pour faire fonctionner les marteaux-piqueurs. Cet air était fabriqué par des compresseurs installés dans l’aile nord du bâtiment des machines.
Les grosses cheminées noires permettaient “l’aérage des galeries de mines”, c’est-à-dire d’extraire l’air vicié afin de renouveler l’atmosphère… et d’éviter les coups de grisou. L’air entrait par le puits 9 puis ressortait par ces deux grandes cheminées de ventilateurs reliées au 9 bis via des gaines de béton visibles à la base du bâtiment des machines.
Les édifices abritent encore leur machinerie, en état de marche. L’association “Acccusto Seci” nous a ouvert les portes pour nous éclairer sur le fonctionnement des différents mécanismes, les règles de sécurité et le quotidien des mineurs.
Quelques tableaux et schémas expliquent également comment les puits étaient creusés, comment le charbon était remonté en surface, les poids énormes supportés par les différents engins…
Chacun des deux chevalements montait et descendait deux “cages”, l’une transportant du charbon, l’autre acheminant des hommes. Il fallait faire preuve de minutie, de sérieux et de doigté pour éviter les accidents.
Les chiffres représentent la profondeur théorique de la descente des cages “nord” et “sud”.
La cabine du technicien qui faisait monter et descendre les cages est à présent couverte de dessins et de textes rendant hommage au travail de “mémoire” de l’association composée “d’anges gardiens” du site.
En traversant le bâtiment pour se rendre au second puits (en passant par les équipements électriques), on peut observer les plafonds voutés en béton armé nu, qui permettent de constater que le site a bien été construit en béton et non en briques 😉
Un énorme câble en acier tressé s’enroule autour de la machinerie pour monter et descendre les cages du second puits. (Le jour de ma visite, la technique n’était malheureusement pas de notre côté, la machine était bloquée à cause d’une pièce défectueuse).
Un peu plus loin, le Métaphone est la pièce maîtresse du projet de reconversion du site. C’est une salle de spectacle modulable qui est également un immense instrument de musique expérimental recouvert d’une “peau sonore”. Il résonne au son des musiques actuelles et populaires avec des artistes locaux, de notoriété nationale ou internationale (Skip the use ;)).
Le terril 110 d’Oignies
J’ai pu profiter d’une belle balade gratuite organisée par la Chaîne des Terrils, une association qui propose (entre autres) des visites guidées toute l’année sur les anciens sites miniers et leurs terrils.
Le terril 110 ne fait “que” 70 mètres de hauteur, car il est issu de l’activité d’extraction de la fosse qui s’est arrêtée dès 1961. Il était plus vaste à l’origine, mais a été en partie utilisé pour reboucher les fosses, puis a été aménagé pour la balade et la découverte de la flore.
On y accède par le joli Bois des Hautois, un site préservé (géré par Eden 62) où les sentiers de randonnée serpentent entre terrils et bassins.
Les flancs du terril sont colonisés par le pavot cornu, une plante à fleurs jaunes, mais on y trouve de nombreux autres végétaux.
La pente du chemin balisé est douce, on la grimpe assez facilement. Par contre, les derniers mètres pour atteindre le sommet sont un peu plus ardus… et glissants.
Si vous le pouvez, faites l’effort, vous ne le regretterez pas. Du haut du terril, vous aurez une vue exceptionnelle sur le site du 9-9bis et la cité De Clercq, mais aussi sur toute une partie du Bassin Minier.
La cité-jardin De Clercq
La cité-jardin De Clercq a été construite progressivement à partir de 1930 en face de la fosse pour y loger les mineurs de plus en plus nombreux. Les maisons composées de deux logements sont disposées en quinconce, en suivant la courbe de la rue. Toutes les façades sont donc orientées vers la fosse, en arc de cercle.
Vous pouvez contacter le site du 9/9bis pour profiter d’une visite du site ou d’une randonnée sur les terrils alentour.
De septembre à juin, le 9-9bis propose une programmation à la fois musicale et patrimoniale : des concerts, des visites, des spectacles, des rencontres, des expositions, des projections…
D’avril à novembre, Les Rendez-Vous du Patrimoine proposent des visites classiques, des déambulations artistiques, des circuits en bus, des échappées dans les cités minières, des balades entre nature et patrimoine ou encore des ateliers/visites pour le jeune public.
INFORMATIONS PRATIQUES
Adresse : rue du Tordoir / Rue Alain Bashung 62590 Oignies
Horaires : Le site, le bois et le terril sont ouverts tous les jours pour une simple balade. Les visites guidées ont lieu du mercredi au dimanche.
Tarifs : la promenade et les visites sont gratuites. Les ateliers, rendez-vous patrimoine, concerts et spectacles sont payants (se renseigner sur le site web).
Si le sujet de la mine vous intéresse, vous pouvez aussi visiter le surprenant Centre de la mine et du chemin de fer à Oignies, et le Centre historique minier de Lewarde, ou vous promenez dans le parc des îles, joyau du patrimoine minier.
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