Coups de coeur

Le cimetière chinois de Noyelles-sur-Mer

Ce cimetière situé à Nolette, un hameau de Noyelles-sur-Mer, accueille plus de 800 Chinois, qui reposent bien loin de chez eux. Mais pourquoi existe-t-il un cimetière chinois de la Grande Guerre en Baie de Somme ? Et pourquoi nombre d’entre eux sont-ils morts en 1919 et 1920, bien après l’armistice du 11 novembre 1918 ?

Le cimetière de Noyelle met en lumière une page d’histoire mal connue, voire inconnue, du premier conflit mondial en France. En effet, près de 140 000 travailleurs venus de Chine ont été employés en France à partir de 1916 jusqu’à l’armistice, et ce même bien après la fin du conflit, dans le cadre de la reconstruction nationale.

L’arrivée des travailleurs chinois en France

Au terme de la bataille de la Somme, durant l’été 1916, plus de 600 000 soldats alliés étaient hors de combat, notamment 400 000 Britanniques, dont la moitié morts ou disparus. Le Chinese Labour Corp (CLC) a donc été créé, et les premiers départs de travailleurs embauchés par les Anglais ont eu lieu en janvier 1917.

À partir de cette année, des travailleurs chinois volontaires (surnommés « coolies ») sont venus apporter main-d’œuvre et renfort logistique aux forces françaises et britanniques. Près de 80 000 d’entre eux sont passés par Noyelles-sur-Mer, qui était une base arrière des alliées et le plus grand camp de travailleurs chinois en France.

photo issue du magazine “Le Miroir”, trouvé sur le site du Souvenir Français Asie

Ils ont secondé les soldats sur le front en creusant des tranchées, en transportant des obus, en étant brancardier, en réparant les voies ferrées, en ensevelissant les morts, en assurant la maintenance de l’artillerie, en s’occupant des chevaux, en préparant les rations alimentaires, en lavant les uniformes, en effectuant des manutentions dangereuses et le déminage des terrains reconquis…

Des travailleurs chinois menés par deux officiers britanniques

Après l’Armistice, les travailleurs ont principalement été affectés à l’enlèvement des munitions, des fils de fer barbelé, au nettoiement du sol, au comblement des tranchées, à l’enterrement des cadavres, aux travaux provisoires des habitations…

Ces hommes qui ont contribué à la victoire des Alliés, s’ils n’ont pas combattu les armes à la main, ont souvent risqué leur vie. Si les conditions de vie des travailleurs chinois œuvrant pour les Français étaient correctes, ceux qui travaillaient pour les Britanniques étaient sous-payés, voire franchement exploités. La Grippe espagnole, qui frappa à partir de 1918, fit des ravages parmi les ouvriers chinois.

photo issue de archive.org via wikipedia – des ouvriers chinois creusant un système de drainage pour les Américains

Selon les chiffres occidentaux, environ 2 000 d’entre eux ont trouvé la mort dans ce conflit – jusqu’à 27 000 selon certaines estimations chinoises.

Des centaines d’entre eux sont enterrés dans des cimetières militaires du nord de la France, dont plus de 800 qui reposent à Noyelles. Eux aussi sont morts pour la France.

Des ouvriers chinois ont gravé et mis en place les tombes de leurs collègues décédés au cimetière de Noyelles-sur-Mer, 1919-1920.
Photo Imperial War Museum , collection Ivan Bawtree.

Ce cimetière a été officiellement inauguré le 23 mars 1920, puis reconnu comme cimetière militaire britannique, le 30 novembre 1921.

Le cimetière chinois de Noyelle-sur-Mer

Rue de Sailly, à l’entrée du village de Nolette, vous croiserez deux statues de lions impériaux en pierre, offerts par la République populaire de Chine en 1983.

À quelques centaines de mètres de là, au milieu des champs, le cimetière accueille les visiteurs par une porte au style asiatique gravée d’idéogrammes chinois. L’inscription a été choisie par l’ambassadeur de Chine en Grande-Bretagne pendant la guerre : “Ce site commémore le sacrifice consenti par 1900 ouvriers chinois qui ont perdu la vie durant la guerre de 1914-1918. Ce sont mes amis et collègues, dont les mérites sont incomparables”.

Les 842 stèles s’alignent entre pins et cèdres, gravées en caractères mandarins et en anglais. “Faithful unto death” (fidèle jusqu’à la mort), “Though dead he still liveth” (bien que mort, il vit encore), “A good reputation endures for ever” (une bonne réputation est éternelle)… Chaque stèle porte un numéro de matricule, une phrase en idéogrammes chinois traduite en anglais et parfois un nom.

Certains de ces hommes sont morts après l’Armistice, en 1919-1920, de la grippe espagnole, du choléra ou de la tuberculose, mais aussi durant les travaux d’assainissement des terrains ayant servi lors des combats ou lors d’opérations de déminage…

Le mémorial rappelle également la mémoire de 42 travailleurs ne disposant pas de sépulture, car leurs corps n’ont jamais été retrouvés.

photo issue du site de la mairie de Noyelles-sur-Mer

La Commonwealth War Graves Commission maintient en état, depuis plus d’un siècle, ce lieu qui constitue le plus grand cimetière chinois d’Europe.

INFORMATIONS PRATIQUES
Adresse :
Chemin rural (croisement avec la rue de Sailly), 80860 Noyelles-sur-Mer
Horaires :
le cimetière est accessible 24h/24 et 7j/7.

Puisque vous êtes dans le coin, poussez jusqu’au Crotoy ou allez visiter la superbe collégiale Saint Wulfran d’Abbeville.
Un autre cimetière chinois, celui de Saint-Etienne-au-Mont, près de Boulogne, contient un carré de 160 tombes de travailleurs chinois.
Les Hauts-de-France sont riches en mémoriaux et cimetières de la Première Guerre mondiale. Vous pouvez aussi visiter l’émouvant mémorial de Longueval, dernier repos des soldats sud-africains.

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