Coups de coeur

L’Abbaye de Valloires et ses jardins

Quel bel endroit que Valloires ! À quelques kilomètres de la Baie de Somme, cette ancienne abbaye cistercienne devenue un bijou baroque au 18e siècle est entourée de magnifiques jardins. Elle a été, et elle est toujours, un refuge pour les enfants en difficulté. Que vous aimiez l’architecture et la décoration, les beautés de la nature, les héroïnes discrètes, les curiosités de l’histoire ou les odeurs des fleurs, vous y trouverez votre bonheur.

La majestueuse abbaye cistercienne de Valloires est installée dans la vallée de l’Authie, à Argoules, au cœur de la campagne picarde. Construite au 12e siècle, plusieurs fois ravagée et reconstruite, elle a eu plusieurs vies en accueillant des moines, des soldats et des enfants… Une partie de l’abbaye est toujours un refuge pour les enfants, mais la partie historique se visite de mars à octobre. Après la découverte des bâtiments, il faut absolument vous promener dans les superbes jardins attenants, un havre de nature ouvert depuis 1989.

L’Abbaye

Valloires n’est pas seulement belle, elle est unique : c’est la seule abbaye cistercienne de France conservée dans son état complet du 18e siècle. C’est, de plus, un témoin de l’architecture baroque planté dans une région où l’on croise surtout des églises gothiques.

le bâtiment principal de l'abbaye de valloires

Fondée en 1137, l’abbaye connut une période de grande prospérité jusqu’au 13e siècle, période durant laquelle elle accueillait une bonne centaine de moines. L’abbaye possédait un domaine rural de plusieurs milliers d’hectares et fit construire une première abbatiale en 1226. Mais, entre le 14e et le 17e siècle, l’abbaye subit, comme toute la région, les guerres et les pillages (notamment la guerre de Cent Ans et celle de Trente Ans), jusqu’à ce que plusieurs incendies ravagent le monastère.
Au début du 18e siècle, les bâtiments furent reconstruits, mais en 1741, les réparations faites à la hâte provoquèrent l’effondrement du clocher sur l’abbatiale, entrainant sa destruction. L’édifice fut intégralement reconstruit entre 1741 et 1756, on confia la décoration intérieure au sculpteur autrichien Simon Pfaff de Pfaffenhoffen et au ferronnier d’art Jean-Baptiste Veyren dit « Vivarais ». La nouvelle abbatiale fut inaugurée en 1756.

l'ancienne infirmerie de l'abbaye

Si l’abbaye échappa à la destruction que subirent nombre d’édifices religieux durant la Révolution française, c’est qu’elle fut achetée en 1790 par Ambroise-Léopold Jourdain de l’Éloge (qui avait également acheté la seigneurie d’Argoules), pour y réinstaller des moines. Après le décès du châtelain,ses héritiers vendirent l’abbaye à une confrérie laïque venue de Belgique qui y vécut jusqu’en 1880, époque à laquelle les frères de Saint Vincent de Paul y installèrent un orphelinat agricole.

En 1906, la « loi sur les congrégations » (qui supprimait les congrégations exclusivement enseignantes) provoqua l’expulsion des frères et la vente de l’abbaye. Pour la sauver, elle fut dès l’année suivante classée aux Monuments historiques grâce au travail de l’archéologue et historien Roger Rodière (le fondateur du musée d’art et d’histoire qui porte son nom à Montreuil).

L’abbaye resta pourtant vide jusqu’à la Première Guerre mondiale, durant laquelle elle fut transformée en hôpital militaire belge. On trouve d’ailleurs plusieurs « graffiti » de soldats qui ont gravé leur nom, et parfois leur grade, régiment et ville d’origine, dans la pierre des bâtiments.

Gustave Vrin, d'Anvers, était soldat au 37e chasseurs en mars 1917

C’est en 1922 que Thérèse Papillon, infirmière-major de la Croix rouge pendant la Grande Guerre, fonda l’association de Valloires. Furent ainsi créés un préventorium (pour soigner la tuberculose), des dispensaires, un système d’accueil des enfants, des colonies de vacances…

Une « grande dame », cette mademoiselle Papillon. Après avoir soigné des soldats blessés au Chemin des Dames et durant la bataille de la Somme, elle constata les ravages de la malnutrition chez les enfants, ce qui la convainquit d’ouvrir un établissement pour les soigner. Elle fut également résistante durant la Seconde Guerre mondiale (avec son frère Jean-Baptiste) et sauva des enfants juifs. Après la guerre, Thérèse Papillon accueillit des enfants blessés physiquement et moralement. En 2017, elle a reçu, à titre posthume, la Médaille des Justes parmi les Nations. Un petit musée lui rend l’hommage qu’elle mérite dans l’un des bâtiments de l’abbaye.

Thérèse Papillon

L’établissement accueillit jusqu’à trois cents enfants et fonctionna jusqu’en 1974. Et eux aussi ont gravé leur nom dans la pierre 😉

Aujourd’hui, l’abbaye est toujours propriété de l’association. Une partie des bâtiments est consacrée au séjour d’enfants en difficulté (entre 6 mois et 16 ans). Certains bâtiments abbatiaux et l’église abbatiale sont ouverts à la visite.

Vu sur les bâtiments et l'abbatiale de l'abbaye de Valloires

Le guide nous a appris qu’un poirier donnant une variété de poire particulière a été planté contre le mur de l’abbaye en 1756. Il reste de nos jours l’un des plus vieux poiriers de France. Et la poire est toujours une spécialité de l’abbaye (cherchez-la dans l’abbatiale, je ne vous en dis pas plus 😉 )

le poirier de 1756
vu sur les jardins depuis l'abbaye

L’Abbatiale

À sa reconstruction, elle devint un joyau de l’art baroque, grâce notamment à l’intervention du sculpteur Pfaffenhoffen. L’extérieur néo-classique rappelle la simplicité, voire l’austérité cistercienne, mais l’intérieur est un bel exemple de l’exubérance « rococo » : buffet d’orgue, anges suspendus, maître-autel, salons aux boiseries d’un style rocaille… Le contraste est surprenant, vous allez en prendre plein les mirettes !

l'abbatiale de Valloires

Mais qui est donc ce Pfaffenhoffen ? Baron originaire d’Autriche, il était au 18e siècle un sculpteur et un ébéniste réputé qui avait installé son atelier à Abbeville. Il travaillait aussi bien le bois, que la pierre, le marbre ou la terre cuite. Il décora de lambris sculptés son hôtel particulier à Saint-Riquier, ainsi que le maître-autel de la chapelle de l’Hôtel-Dieu, dans la même ville. Il a aussi sculpté des portes d’hôtels particuliers à Abbeville et a décoré le château de Brailly-Cornehotte (dans la Somme).

Le buffet d’orgue en chêne et tilleul sculpté d’instruments de musique.

le buffet d'orgue de l'abbatiale

Les sculptures de Moïse, Aaron, Pierre, Paul, saint Martin, Bernard de Clairvaux…

Le mobilier liturgique (confessionnal, autel latéral, maître-autel en marbre noir décoré de deux anges en plomb doré, stalles).

Il a aussi décoré de boiseries sculptées la salle capitulaire et la sacristie de l’abbatiale.

Jean Baptise Veyren, quant à lui, est surtout connu pour avoir réalisé les somptueuses grilles en fer forgé du chœur de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens. Il a également créé les grilles du chœur de l’église abbatiale de Valloires et, en collaboration avec Pfaffenhoffen, la « suspense eucharistique » du maître-autel. Cette œuvre de sept mètres de haut, en forme de palmier, est un véritable chef-d’œuvre, finement décoré de fleurs et de feuilles.

les grilles de l'abbatiale de Valloires
l'impressionnant maitre-autel

Des anges en plâtre, sculptés parPfaffenhoffen, semblent maintenir la colombe qui vole au-dessus du maître-autel…

Le cloître

Le porche d’entrée permet d’accéder à une vaste cour d’honneur. Les bâtiments abbatiaux s’organisent autour du cloître voûté en brique et pierre :

le cloitre et le jardin central

L’abbaye se découvre uniquement lors de visites guidées (comptez environ 1 heure). Réservez votre créneau horaire de visite par téléphone au 03 22 29 62 33.

L’abbaye est accessible en transport en commun (un bus s’arrête au centre d’Argoules, puis il faut rejoindre l’abbaye à pied, comptez 15mn). Mieux vaut prendre votre voiture ou venir à vélo.

N’hésitez pas, à la fin de la visite, à faire un tour par la boutique de l’abbaye. Vous y trouverez des livres, des objets monastiques et religieux, mais aussi de nombreux produits locaux plus délicieux les uns que les autres (dont des spécialités à la poire produites par l’abbaye).

INFORMATIONS PRATIQUES

Adresse : Abbaye de Valloires – D192 – 80120 Argoules

Horaires des visites guidées :
En Mars, Octobre (jusqu’au 17/10 inclus) : la semaine à 11h et 15h, le weekend à 11h30 – 14h et 15h30.
En Avril et Septembre : 10h30, 11h30, 13h30, 14h30, 15h30, 16h30
En Mai, Juin, Juillet, Aout : 10h30, 11h30, 13h30, 14h30, 15h30, 16h30, 17h30

Tarif : 8€ / 5,50€ (moins de 16 ans) / Billet combiné Abbaye et Jardins de Valloires : 15,90€/adulte et 9€/enfant

Les jardins de Valloires

C’est autour de l’abbaye qu’ont été créés les superbes Jardins botaniques et paysagers de Valloires, dessinés par le célèbre paysagiste Gilles Clément en 1987 et ouverts au public en 1989.

Les jardins s’étendent sur une superficie de 8 hectares et sont labellisés Jardin remarquable. Leur conception s’intègre parfaitement à l’environnement naturel (un dénivelé de 25 mètres) et au caractère historique des lieux, sans pour autant reprendre tous les codes du jardin monastique. Valloires est un jardin contemporain, où les plantes sont classées non pas par familles ou provenance géographique, mais selon des critères de couleurs ou de ressemblances.

Les Jardins de Valloires présentent une collection unique en France de 5000 espèces et variétés d’arbustes rares. Vous pouvez visiter les jardins, quelle que soit l’époque, car chaque mois, le paysage est renouvelé par de nouvelles fleurs et feuilles. Tout au long des saisons, vous découvrirez la splendeur des cerisiers en fleurs, l’élégance et le parfum des milliers de roses (dont l’incontournable Rose de Picardie), les lumineuses couleurs d’automne, sans oublier le jardin « interactif » des 5 sens.

Installés au pied de l’abbaye, les Jardins se partagent en cinq espaces :

– un jardin régulier, « à la française », dans le prolongement de l’abbaye, qui accueille roseraie, pelouse et cloître végétal, associés aux jardins à floraison blanche, jaune et bleue,

les jardins de valloires

La partie centrale est occupée par un jardin de style « jardin d’abbaye » composé d’une roseraie, associée à des « simples » (plantes médicinales), des condimentaires et des légumes présentés en carrés.

le jardin de l'abbaye et ses carrés

L’allée des Cerisiers est formée de 40 cerisiers à grandes fleurs blanches, doubles et parfumées, qui s’épanouissent début avril.

l'allée des cerisiers

un jardin de marais, ou jardin de tourbière, en contrebas. De petits canaux et des fontaines alimentent un long bassin rectangulaire qui souligne l’harmonie entre abbaye et vallée de l’Authie.

le jardin des marais

Aux fleurs de la berge qui bordent le bassin se joignent des fougères, des bambous, des plantes grimpantes et des espèces aquatiques.

le jardin des marais de l'abbaye de valloires

un jardin des îles, « à l’anglaise », rassemblant l’essentiel de la collection botanique (distribué en îles d’hiver, d’été, d’ombre, des lilas, d’argent, d’or, des Viornes, des feuillages pourpres, aux papillons, etc.),

Gilles Clément a accordé le nom d’île aux différents regroupements de végétaux pour évoquer une promenade dans un archipel.

le jardin des îles

un jardin des cinq sens (destiné principalement aux enfants avec des ateliers ludiques). Dans ce jardin, les plantes sont classées selon le toucher, la vue, l’ouïe, le goût et leur parfum.

le jardin des 5 sens

Les carrés potagers sont surélevés et entourés comme dans un jardin médiéval. Les herbes et les fleurs comestibles se retrouvent sur la « Table du jardinier », le restaurant des jardins de Valloires.

les carrés potager

Le sentier qu’on vous invite à parcourir est formé de matériaux de taille et de rugosité différentes : les sensations ne sont pas les mêmes et le bruit de vos pas change selon que vous marchez sur des galets, des écorces, du gravier, des épines de pins…

un jardin de l’évolution, dominant les jardins et se terminant en trois « chambres », un hommage à Jean-Baptiste de Lamarck.

Jean-Baptiste de Lamarck était un naturaliste, botaniste et zoologue picard. Au début du 19e siècle, il a réalisé la classification des invertébrés, un travail de titan. Lamarck est aussi l’un des premiers naturalistes à avoir imaginé une théorie de l’évolution des êtres vivants. Il est le fondateur de la biologie en tant que science des êtres vivants. 

le jardin de l'évolution

De petits panneaux explicatifs mettent l’accent sur des épisodes choisis de l’évolution du Vivant : l’origine de la vie, la sortie des eaux, la conquête des airs, etc.

Le but de ce jardin est de sensibiliser et faire réfléchir en replaçant les plantes dans notre propre histoire et bien au-delà, en remontant le temps (escalier et spirale).

La boutique des jardins propose des graines et plantes de collection, vivaces, roses anciennes, des larves de coccinelles, mais aussi des spécialités locales : liqueur de pissenlits, pâté d’agneau de pré-salé, jus de rhubarbe…

C’est également par la boutique que l’on accède au restaurant des jardins, « La Table du Jardinier », qui propose uniquement des plats réalisés avec des produits frais et de saison : quiche de légumes herbacés, soupe aux plantes de saison, crêpe à la gelée d’argousier, burger de poulet au pesto d’herbes, mille-feuille de racines, crêpe florale et éclair à la rose… Les végétaux et condiments sont cueillis par le chef et ses cuisiniers dans les jardins. Miam !

Les jardins sont toute l’année le cadre d’animations comme la Journée de la coccinelle, la Journée des peintres et la Fête de la citrouille. On peut aussi s’inscrire à des cours de jardinages.
Les enfants ont également accès à un jeu de piste où énigmes et activités se succèdent.

INFORMATIONS PRATIQUES

Adresse : Valloires – D192 – 80120 Argoules


Horaires : ouvert de fin mars à novembre. Basse saison : ouvert tous les jours de 10h30 à 18h. Haute saison : tous les jours de 10h à 19h. Tous les dimanches à 11h, visite guidée des jardins pendant 1h30 (sans réservation).


Tarif : 9,50€ / 5,50€ (de 6 à moins de 16 ans) / Billet combiné Abbaye et Jardins de Valloires : 15,90€/adulte et 9€/enfant


La table du jardinier (40 places, tous les jours de 12h à 15h), réservation conseillée au 03 22 23 71 13.

Les jardins et l’abbaye sont accessibles indépendamment l’un de l’autre. Mais je vous conseille de passer la journée à l’abbaye. Découvrez l’édifice le matin, déjeunez d’un plat atypique et raffiné le midi, puis promenez-vous dans les jardins l’après-midi. Une journée magique dans un cadre magnifique !

Puisque vous êtes dans le coin, passez à la Conserverie Saint Christophe d’Argoules, une institution dans la région, où vous pourrez vous procurer des plats cuisinés, des pâtés, des conserves de légumes, des soupes, des produits de la mer (salicornes et asters de la Baie), etc.
Vous n’êtes pas très loin de la belle ville de Montreuil-sur-mer et ses remparts ou de la petite ville de Rue (et sa superbe chapelle gothique).

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