Coups de coeur

La superbe chapelle du Saint-Esprit de Rue, l’art gothique flamboyant

chapelle gothique rue

En me rendant dans la Baie de Somme, je suis passée par la petite ville de Rue presque par hasard. J’avais lu dans un guide qu’elle possédait “un joli beffroi et deux belles chapelles”. Quelle ne fut pas ma surprise, en voyant la chapelle “du Saint-Esprit” de Rue. Belle ? Elle est magnifique !

La chapelle du Saint-Esprit de Rue est un superbe témoignage de l’art gothique flamboyant des 15e et 16e siècles. C’est d’ailleurs l’un des trois édifices majeurs de l’art gothique flamboyant picard (avec la collégiale Saint Vulfran d’Abbeville et l’abbatiale de Saint Riquier).
La chapelle est classée monument historique depuis 1840.

L’histoire de la chapelle du Saint-Esprit de Rue

Il existait à Rue une église Saint Wulphy édifiée au 12e siècle (de style roman). La légende raconte qu’en l’an 1101, un grand crucifix venant de Palestine échoua dans une barque sur le rivage de la ville de Rue, située alors sur le littoral. Les habitants de Rue gardèrent le crucifix dans une petite chapelle proche de l’église Saint Wulphy. Mais les pèlerins furent si nombreux à venir admirer l’objet qu’au 15e siècle, une chapelle “du Saint-Esprit” fut construite (contre l’église Saint Wulphy) spécialement pour l’abriter.
Pour sa construction, les dons affluèrent et notamment des dons importants du duc de Bourgogne (Philippe le Bon, Seigneur de la région), puis des rois Louis XI et Louis XII.

Construite entre 1440 et 1515, la chapelle fut malheureusement pillée et mutilée durant la Révolution, mais le bâtiment fut préservé lors de la destruction de l’église Saint Wulphy lors d’une violente tempête en février 1798.
La restauration de la chapelle commença en 1839 sous la direction de l’architecte François-Auguste Cheussey (qui se consacra également à la restauration de l’abbatiale Saint Riquier et de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens). Puis, de 1859 à 1871, ce furent les Frères Duthoit (sculpteurs spécialistes du Moyen-Âge) qui travaillèrent à la restauration de l’édifice (comme ils le firent sur la collégiale Saint Vulfran d’Abbeville et la cathédrale d’Amiens).

La chapelle du Saint-Esprit de Rue

La chapelle du Saint-Esprit de Rue est un splendide spécimen de l’art gothique flamboyant et du goût de l’époque pour la sculpture décorative. Elle possède notamment de remarquables voûtes élevées, ornées de clés pendantes.

L’édifice est composé de trois parties, construites chronologiquement les unes après les autres, à mesure que les pèlerins se faisaient plus nombreux :

  • La chapelle, du 15e siècle.
  • Le portail, du début du 16e siècle.
  • La “Trésorerie” du 16e siècle : rien à voir avec une quelconque comptabilité ! C’est là qu’était gardé le “trésor” de la chapelle, c’est-à-dire le crucifix.

Le portail de la chapelle

Le portail a gardé beaucoup de sa décoration ancienne. Il manque principalement les statues, qui étaient nombreuses, mais ont presque toutes été détruites durant la Révolution.

Chapelle du Saint-Esprit et maison médiévale à droite.

Sur les deux rangs de voussures, les personnages ont été décapités, toujours durant la Révolution. Les statues que l’on peut voir sur le tympan et les scènes des Sept Douleurs ont été réalisées par les Frères Duthoit au 19e siècle.

Détails du tympan.

L’intérieur de la chapelle du Saint-Esprit

Son décor luxuriant est typique du “gothique flamboyant”. La voûte est décorée d’un réseau de nervures sculptées et de clés pendantes sur lesquelles on distingue des personnages.

les clés pendantes de la chapelle du Saint-Esprit de Rue
Voûte à clés pendantes.

Le portail de la chapelle, avec des voussures décorées de scènes mutilées, relate l’histoire du crucifix sous des coquilles de style Renaissance.
Les trois statues datent du 19e siècle :
À droite, la statue du roi Louis XI, et à gauche, celle d’Isabelle du Portugal (mère de Charles le Téméraire), tous 2 généreux donateurs, et Saint Wulphy au centre.

Statue de Louis XI

Durant les travaux de restauration au 19e siècle, les architectes ont choisi de garder les arcades qui menaient vers l’ancienne église Saint Wulfy, mais les ont murées. Des toiles ont été marouflées dans les arcades, représentant :

  • l’arrivée du “crucifix miraculeux” à Rue,
  • la tentative (infructueuse) des Abbevillois de s’emparer du crucifix,
  • et une représentation anachronique de Louis XI en pèlerinage à Rue (anachronique, car le beffroi représenté est celui auquel on a ajouté, au 19e siècle, 4 tourelles et un grand campanile).

Un autel a également été recréé au 19e siècle, sur lequel a été sculptée une représentation de l’arrivée du crucifix à Rue.

La Trésorerie de la chapelle

La trésorerie est séparée entre la “basse” et la “haute”. Deux portes sculptées permettent d’accéder à la Trésorerie basse sous un réseau de filets verticaux aux dais effilés.

Lorsque l’on jette un œil par la porte de droite, on peut apercevoir 16 statues qui ont (plus ou moins) survécu au temps et à la Révolution, depuis le 15e siècle. Leur état ne permet pas de les réinstaller sur le portail de la chapelle.

L’entourage des deux portes est richement sculpté de personnages, d’animaux et de végétaux, parfois imaginaires. Le mouton semble avoir des ailes…

Des escargots et des grappes de raisin, symboles de fertilité.

Un loup-garou ? En tout cas, une femme ou un homme rudement poilu !

Dans la Trésorerie basse, une porte du 15e siècle donne sur un escalier que les pèlerins grimpaient pour accéder à l’incroyable Trésorerie haute.
Celle-ci est ornée d’un retable de pierre sculpté où on distingue plusieurs scènes bibliques : l’Annonciation, l’Adoration des bergers, l’Adoration des Mages, et une rare circoncision de Jésus.

Une phrase en vieux picard (expliquant la date de création de cette chapelle) est sculptée dans le bois sous le retable. La pieta peinte de couleurs encore chatoyantes date, elle aussi, du 15e siècle.

Il est possible de réserver auprès de l’Office du Tourisme une visite guidée (du mardi au vendredi à 10h30), jumelée avec une visite de la chapelle de l’Hospice et du beffroi. Je vous recommande grandement cette visite, non seulement parce que les 3 édifices sont liés et éclairent l’histoire de la ville, mais aussi parce que les explications du guide sont passionnantes !

INFORMATIONS PRATIQUES

Adresse : place Anatole Gossellin 80120 Rue
Horaires : toute l’année du lundi au samedi 10h – 17h, et d’avril à septembre dimanche 10h – 13h
Tarif : l’entrée est gratuite

Visitez la très jolie ville de Rue, elle propose d’autres perles à admirer.
Puisque vous êtes dans le coin, allez faire le tour de Montreuil-sur-mer et ses remparts, aller admirer l’abbaye de Valloires et ses jardins ou l’immense chartreuse de Neuville-sous-Montreuil.

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