Parfois, il est inutile de voyager dans le temps pour se replonger dans les Années folles et le style Art déco. Autour de Douai, il suffit de déambuler dans les rues, d’observer et de lever les yeux ! Grâce à cette échappée à vélo, vous allez apprendre à reconnaître au premier coup d’œil l’architecture et les motifs Art déco, et découvrir quelques surprenants édifices.
Nous allons faire un bond dans les années 1920/1930 pour découvrir les richesses du patrimoine Art déco des villes de Sin Le Noble et Waziers. Maisons individuelles, équipements collectifs, ensembles monumentaux, l’Art déco se décline sous toutes ses formes dans ces deux villes largement redessinées après la Première Guerre Mondiale.
Et elles ne furent pas les seules ! La loi Cornudet fut votée en mars 1919 dans le but d’obliger les villes françaises de plus de 10.000 habitants à “se doter d’un Plan d’Aménagement, d’Embellissement et d’Extension (PAEE)”. L’idée était de réaligner les rues, électrifier les quartiers, créer des places et des parcs… En un mot, rendre la ville plus belle et plus agréable, dans le but de faciliter les déplacements, de désengorger les villes où tout le monde venait travailler.
Nombre de villes des Hauts-de-France ayant été rasées ou dégradées par la Grande Guerre, les architectes et les maires se retrouvèrent devant des “pages blanches” à remplir ou recréer, pour redessiner leurs cités.
Échappé Art déco : Sin-le-Noble
À Sin-le-Noble, si à la fin du 19e siècle, on avait édifié des “corons” (dont la cité Sainte Barbe et la cité Ouvrière) suite à la création des houillères, on construisit plutôt des cités pavillonnaires après la guerre. Et à partir des années 1920, avec l’arrivée de la main d’œuvre étrangère (principalement polonaise), les constructions s’accélérèrent.
Un grand nombre de mineurs vivaient à Sin-le-Noble, mais la majorité des habitants étaient plutôt des employés, des instituteurs, des ouvriers (notamment “du bâtiment”) et des agriculteurs. On retrouve donc des immeubles et des maisons variées, mitoyennes ou individuelles, de style classique ou plus moderne.
Cette jolie maison, même si elle n’est pas typiquement Art déco, en présente de nombreuses caractéristiques : jeu de briques arrondies sur la façade, un balconnet avec son garde corps en fer forgé représentant des cercles, le mélange de la brique et du béton peint.

L’école publique Jean Jaurès n’est pas totalement Art Déco, elle non-plus, mais on sent malgré tout l’influence de ce style, notamment dans les frises de briques blanches à motifs géométriques et les grandes fenêtres lumineuses.

Plusieurs des maisons de cette rue possèdent un balconnet avec un garde corps en fer forgé, des briquettes de parement jaunâtres posées à la verticale, ainsi qu’un mélange briques rouges / béton clair assez typique.

Le monument aux morts de la guerre 1914-1918 est l’œuvre du sculpteur douaisien Maurice Rogerol. Situé Place de la Liberté, il représente un Poilu agonisant dans les bras de son père (un ouvrier ou un mineur torse-nu) et de sa fille, couché aux pieds d’une allégorie féminine. Il a été inauguré en 1923. Près de 400 noms sont gravés dans la pierre, en colonnes pour chaque année du conflit.
À côté de ce monument, on peut voir également une plaque “Hommage aux victimes du travail” dédiée aux “morts au champ d’honneur du travail”, qui n’est pas inhabituelle dans une ville du bassin minier.

En face du monument aux morts se dresse une large maison avec un balcon en fer forgé qui fait écho au motif triangulaire de la frise en béton. On remarque aussi les fleurs stylisées en bas-relief, au-dessus de la grande fenêtre.

Le guide nous a fait remarquer que, si les fleurs sont souvent représentées sur les bâtiments de style Art déco, on retrouve principalement l’une d’elles, la rose. Et pas n’importe quelle rose, la rose “Iribe”, du nom de son créateur, Paul Iribe, qui l’a créée au départ pour la mode, avant que tout le monde de l’Art Déco ne l’adopte.

“Paul Iribe est l’un des plus grands graphistes et illustrateurs du mouvement Art Déco. De par sa créativité débordante, il a véritablement ouvert la voie au mouvement Art Déco à travers ses nombreux métiers : réalisateur, affichistes, graphistes…”
Du grand Art .fr

“Il s’intéresse ainsi à des domaines variés, et propose de nombreuses créations Art Déco très géométriques : des bijoux, des tissus, mais également des cartes postales, du mobilier, des éventails, des livres… L’un de ses dessins devient un emblème du mouvement Art Déco : il s’agit de la fameuse « Rose de Paul Iribe ».”
Cette dernière maison, typiquement Art Déco, possède un bow-window à pans coupés, des fenêtres à pans coupés (l’architecture Art Déco a horreur des angles droits 😉 ), une frise simple sous le toit, un garde corps en fer forgé représentant un panier de fruits très stylisé et une grille à motifs géométriques. Elle met aussi en avant l’utilisation du béton peint et la façade est ornée de lignes verticales en bas-relief sur le haut de la façade.

Échappé Art déco : Waziers
Nous continuons notre balade vers la ville de Waziers dont l’histoire est fortement liée à l’exploitation minière depuis la découverte des premiers gisements de charbon en 1851.
La ville de Waziers est considérée comme un bastion du Parti communiste français : depuis la fondation du Parti en 1920 jusqu’aux dernières élections, la ville a toujours eu un maire communiste (à l’exception de la Seconde Guerre mondiale, bien sûr).
Inauguré en 1933, l’hôtel de ville, qui peut surprendre au premier abord, n’est donc finalement pas inattendu dans une telle commune !
L’hôtel de ville de Waziers
Le guide nous a décrit sa façade :
– D’abord le pignon “en pas de moineaux” (en escalier), plutôt typiques du style régionaliste.
– En dessous, deux colombes soutiennent une équerre et un fil plomb, symbole de construction, mais aussi de la recherche de la vérité et de la construction personnelle. Elles surmontent deux mains jointes et le mot latin “Pax”, qui signifie “Paix”. Après 4 ans d’une terrible guerre, tout le monde aspirait à la Paix, mais les habitants de Waziers ont choisi de l’inscrire dans la pierre.
La devise de la République Française (Liberté, Égalité, Fraternité) entoure ces symboles mais, détail amusant, il est écrit “Fratern”, plutôt que “Fraternité”, tout simplement parce qu’il n’y avait pas assez de place !
– Les trois hommes qui se serrent la main sont un forgeron, un mineur et un paysan. L’enclume, la pioche et la serpe, des symboles communistes.

On retrouve également des éléments caractéristiques de l’Art Déco : le mélange des matières (brique, béton, mosaïque), les formes simples et géométriques, les hublots à pans coupés, les grandes fenêtres et le portail en fer forgé.

L’hôtel de ville de Waziers est si imposant qu’on l’a surnommé “cathédrale laïque” au moment de son inauguration, car il peut également faire penser à une église… ou un théâtre : tout autour de l’édifice sont gravés les noms de vingt compositeurs célèbres, tels Chopin, Beethoven, Berlioz, Schubert ou Massenet.

Juste derrière, le Gymnase Antoine Coët a été édifié à la même époque, et les “colonnes” de briques rouges sont les mêmes sur les deux bâtiments.

Juste à droite de l’hôtel de ville, une maison a attiré mon attention. Si son toit et la simplicité de ses lignes fait plutôt penser aux années 1950, le bow-window (à gauche) et les moulures de fleurs stylisées sont réellement Art déco.

D’autres maisons mêlent les styles (comme souvent dans la région). Ici, ce sont des pignons “à pas de moineaux” de style régionaliste, mais aussi des fenêtres à pans coupés, le mélange de briques et de béton, les balconnets avec leur garde-corps représentant un bouquet de fleurs stylisé, les frises de briques orangées…

Notre Dame des Mineurs
À Waziers, on ne peut évidement pas passer à côté de l’église Notre Dame des Mineurs.
(Cette échappée Art déco ne prévoit pas de visiter l’intérieur de l’église, mais vous pouvez y entrer durant les messes ou lors des visites de l’église organisée par l’office du tourisme de Douai).
Commandée par la compagnie des mines d’Aniches, créée par Louis-Marie Cordonnier, cette église est construite au milieu de la cité minière entre 1923 et 1926. Après la Grande Guerre, de nombreux Polonais vinrent s’installer dans la région pour travailler dans les houillères. Ils arrivèrent avec leur vie, leur religion, leurs coutumes… Et il leur fallait une église.

Elle est faite en briques et béton, dans un style combinant Art déco et néo-roman, mais l’intérieur est totalement Art déco, du mobilier au décor, en passant par les vitraux. Les arcs en béton armé décoré et le plafond de la nef ne sont pas sans rappeler l’intérieur d’une galerie de mines.

Le mobilier est également influencé par l’art traditionnel polonais (des messes y sont toujours célébrées en polonais).


L’église Notre Dame de Waziers est classée aux monuments historiques depuis 2010 et classée depuis le 30 juin 2012 au patrimoine mondial de l’Unesco.
Derrière l’église avait été construit le Centre médical des cités de la fosse Notre-Dame des mines d’Aniche, devenu centre social Henri Martel.

Le bâtiment est plus éclectique, rappelant les grandes fermes avec ses faux colombages en béton peint, mais présente malgré tout des fenêtres à pans coupés, des bow-windows et l’inévitable brique rouge.

Le quartier alentour a été construit entre 1925 et 1927. Les pavillons de la Cité de la Clochette sont plus simples, mais joliment décorés. Ravissants jardins, façades aux briques décorées, porches en demi-lune et toitures pittoresques…


Ce circuit ” Échappé Art déco en vélo électrique” (organisé par l’Office du Tourisme de Douai) s’étend sur 15km et dure environ 2h30. Je ne suis pas sportive pour un sous et je l’ai parcouru sans la moindre difficulté.
Le jour de la visite, il a plu des trombes d’eau, mais cela ne nous a pas empêché de faire une jolie balade et de profiter des passionnantes explications du guide (merci à lui !)
Vous pouvez réserver auprès de l’Office du Tourisme de Douai votre échappée en vélo électrique sur différents thèmes (Box gourmande locale incluse).
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