La ville moderne et verdoyante de Villeneuve d’Ascq, près de Lille, a été créée à partir des communes d’Annapes, Flers et Ascq en 1970. Pourquoi avoir choisi uniquement le nom d’Ascq ? Pour rendre hommage aux martyrs de cette ville, 86 civils massacrés par des SS dans la nuit du 1er au 2 avril 1944. Depuis 2005, un Mémorial raconte leur histoire.
Dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, des soldats de la 12e Panzerdivision SS Hitlerjugend ont commis un terrible massacre de civils dans la petite ville d’Ascq, à côté de Lille.
Le groupe de résistants local appartenant au réseau Voix du Nord a saboté la voie ferrée aux abords de la gare d’Ascq, bloquant un convoi militaire, sans le faire dérailler. Trois wagons sont sortis des rails et la locomotive a été légèrement détériorée. Les dégâts n’étaient pas importants et ne nécessitaient que des réparations, aucun soldat n’avait été blessé… et pourtant, en représailles, les jeunes SS ont violenté la population locale, ont pillé les habitations et ont massacré 86 hommes de 15 à 75 ans.
L’événement a eu un grand retentissement dans toute la région, poussant près de 60.000 travailleurs français à la grève, et une foule estimée à 20.000 personnes a assisté aux funérailles dans le village.
Dès 1945, les familles des massacrés ont souhaité qu’à l’endroit où avaient péri leurs maris et leurs fils, on édifie un dispensaire moderne dédié aux nourrissons. Le symbole était fort : là où la guerre avait apporté la mort, on allait préserver la vie. Le monument des fusillés fut créé en 1947 et le dispensaire d’Ascq fut inauguré en 1955. C’est ce bâtiment qui est devenu le musée du souvenir en 1984, puis le Mémorial en 2005.
Le Mémorial Ascq 1944
Dans le hall d’entrée, une vidéo présente plusieurs témoins et enfants de victimes qui racontent l’horreur de cette nuit, avec une maquette qui permet de mieux s’imaginer les lieux.
L’histoire du village d’Ascq est d’abord replacée dans son contexte régional et national, de la Première Guerre mondiale jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, grâce à une frise chronologique rouge et à de nombreux documents et photographies.
La ligne chronologique forme un « fil rouge » au travers du circuit de visite.
Il est possible d’utiliser un audioguide afin d’écouter une présentation (devant les panneaux où figure un logo “écouteur et un chiffre”) qui nous plonge littéralement dans l’époque.
Le musée expose les conditions de vie des Français durant l’Occupation allemande, et notamment celles des habitants d’Ascq. Le manque de produits d’hygiène, le rationnement, l’oppression, les courriers avec les prisonniers de guerre…
La résistance dans le Nord s’est manifestée très rapidement, dès 1940. Les différents groupes locaux ont commencé par renseigner les Britanniques, cacher des aviateurs anglais et imprimer des journaux clandestins. “La Voix du Nord” est ainsi apparue en avril 1941.
Le massacre d’Ascq est ensuite détaillé. Des panneaux explicatifs présentent les faits, heure par heure, de manière tant factuelle que minutieuse.
On apprend notamment que c’est la Feldgendarmerie (la police militaire allemande) de Lille, prévenue par certains habitants, qui s’est précipitée à Ascq pour arrêter le massacre, mais les SS étaient dans un tel état de rage que les Feldgendarmes ont essuyé des coups de feu et ont eu toutes les peines du monde à convaincre les assassins de cesser leurs crimes.
Le Mémorial expose le centre d’appel téléphonique qui a permis à Elie Derache, employé SNCF, de contacter la Feldgendarmerie.
Une affiche présente les visages et les noms des 86 victimes, qui sont figurées dans tout le musée par des silhouettes en acier.
Le Mémorial explique également qui étaient les fusillés du Fort de Seclin, des résistants ascquois, membre du réseau Voix du Nord, exécutés par les Allemands quelques mois plus tard, le 7 juin 1944.
Le Mémorial décrit enfin ce qui s’est passé après la guerre. Les membres de la 12e Panzerdivision de la HitlerJungend qui avaient participé au massacre (et avaient survécu à la Bataille de Normandie) ont été arrêtés et jugés en août 1949. Les familles des massacrés, et notamment de nombreuses épouses, ne désirant pas vivre dans la haine, ont réclamé la clémence des juges.
Dans les mois qui ont suivi le massacre d’Ascq, certains soldats de la 12e Panzerdivision SS Hitlerjugend ont également assassiné des prisonniers de guerre canadiens en Normandie et des civils en Belgique.
Le Mémorial essaie de comprendre comment de jeunes hommes à peine sortis de l’adolescence, gorgés de propagande brutale, ont pu commettre de tels massacres.
Le Mémorial commémore le massacre, mais il veut avant tout être “un lieu de réflexion sur le sort des civils pendant la guerre, délivrant un message pour la paix, la tolérance et la fraternité entre les hommes“. Il souligne donc les efforts, les amitiés, le pardon et l’union avec l’Allemagne, mais raconte aussi les autres guerres et les autres crimes qui ont malheureusement eu lieu depuis, dans d’autres pays.
Le Mémorial est un lieu de mémoire qui prône la paix et l’amitié entre les peuples, en rappelant les horreurs provoquées par les guerres. C’est un endroit émouvant, révoltant, mais aussi plein d’espoir.
Le tertre des massacrés
Près de la voie ferrée, sur le lieu du massacre, a été érigé de 1947 à 1955 un monument commémoratif appelé « Tertre des massacrés ». Ce monument est composé de trois éléments :
- un alignement de pierres en souvenir des victimes ;
- une stèle de pierre dite “monument au gisant” sur laquelle est gravée « En mémoire de ceux qui périrent d’une mort injuste, homme, éloigne de ton cœur et de tes lois la cruauté. »
Le parcours guidé dans les rues d’Ascq
Le Mémorial propose chaque 1er dimanche du mois et chaque mercredi après-midi un parcours mémoriel : un guide vous mène au travers des rues d’Ascq pour vous faire découvrir les lieux marquants de la tragédie afin de mieux appréhender le déroulement des événements. Des arrêts devant certaines maisons de massacrés permettent de mieux comprendre la terrible nuit, la furie des SS, les souffrances des victimes et l’effroi qu’a connu la population d’Ascq.
C’est aussi l’occasion de découvrir comment la mémoire de l’événement a été inscrite dans l’ensemble du village par des changements de noms de rue, la pose de plaques commémoratives, la création de monuments, le rassemblement des tombes du cimetière, etc.)
Chaque 1er dimanche du mois : Gratuit. Départ à 15h30 du Mémorial
Le mercredi après-midi : sur réservation au 03 20 91 87 57. 3€ (2€ réduit). Départ à 15h du Mémorial
INFORMATIONS PRATIQUES
Adresse : 79 rue Mangin 59650 Villeneuve d’Ascq
Horaires : le 1er dimanche du mois et les jours fériés (sauf 1er mai) de 14h30 à 17h30 et le mercredi de 13h30 à 17h. Fermeture annuelle durant le mois d’août et les vacances scolaires de décembre.
Tarifs : entrée gratuite. Audioguide 2€. Visite guidée (1h30) 3€. Parcours guidé dans Ascq (1h30) 3€. Visite guidée du musée + parcours guidé dans Ascq (2h30) 5€.
La ville de Villeneuve d’Ascq possède plusieurs passionnants musées, dont le Musée du terroir, non loin du mémorial, qui évoque la vie au début du 20e siècle, et le Musée de plein air qui a recréé le passé rural du Nord.
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