Coups de coeur

A Lambersart, vivez l’Art Déco

Durant le Printemps de l’Art Déco 2021, j’ai eu l’occasion de découvrir le riche patrimoine Art Déco de Lambersart, une ville située au nord-ouest de Lille. Lambersart ayant embrassé le courant dès 1920 et jusqu’aux années 1950, la ville propose les deux courants de l’Art déco : une architecture classique ou pittoresque d’un côté et le modernisme innovant des volumes géométriques de l’autre.

Lambersart, comme de très nombreuses villes des Hauts-de-France, a subi les ravages de la Grande Guerre. Dès le début des années 1920, la ville connaît une période de reconstruction qui va durer jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et perdurer un peu après.

Si l’Art Déco est partout à Lambersart, certaines rues sont plus représentatives que d’autres.
La ville propose, durant le Printemps de l’Art Déco, plusieurs visites guidées dans les quartiers les plus marquants :
– quartiers Canteleu et Champ de Courses (avenues de l’Amiral Courbet et Groulois, avenue de l’Hippodrome)
quartier Bourg-Mairie (avenue de l’Hippodrome, avenue de Verdun, rue Volta et avenue Clemenceau)
quartier du Canon d’Or (cité mutualiste, avenues de la République, Leclerc, Marceau, Doumer et Bailly-Ducroquet).

Les quartiers Canteleu et Champ de courses

Signifiant “chante-loup” en picard, ce nom renvoie au marais de la Haute-Deûle. L’essor industriel des années 1860 a créé l’agglomération de Canteleu le long de l’avenue de Dunkerque. Dans les années 1890, le quartier s’est agrandi au nord par le lotissement ouvrier de la filature Crépy rue Vaillant, et au sud par le lotissement bourgeois de l’hippodrome.

Au 40 avenue de Soubise s’élevait auparavant une aile de l’institut orthopédique de Lambersart, qui fut ravagé durant la Grande Guerre. À la place fut construit un immeuble d’habitation avec de haut “bow windows” en béton sur toute la façade. L’Art Déco laissait entrer la lumière !

La porte de l’immeuble, avec ses courbes en fer forgé, est également très jolie.

Des grilles pour délimiter, protéger, décorer : devant le jardinet, sur la porte-fenêtre, en garde-corps. Les années 1920 faisaient la part belle aux spirales et à la finesse du fer forgé. Les années 1930 mirent en valeur les figures géométriques abstraites. L’Art Déco joignait l’utile à l’agréable…

Ceci est la fenêtre d’un garage. Hé oui ! La porte du garage se situe sur la gauche et ce petit vasistas est orné d’un vitrail aux motifs floraux typiquement Art Déco. Les jeux de briques ainsi que le dégradé de faïence sont eux aussi caractéristiques de ce style.

De nombreuses façades présentent également des vitraux et/ou des portes décorées de motifs en fer forgé, plus jolis les uns que les autres.

L’une des particularités des maisons Art Déco est qu’elles sont souvent asymétriques. Les architectes mettent d’un côté les éléments utilitaires (souvent l’escalier) et de l’autre côté, plus larges, bien éclairées et ressortant sur la façade, les pièces de vie. Cette maison, avenue de Soubise, en est un bon exemple :

L’avenue du Colysée fut lotie avant et après la Première Guerre mondiale. Les maisons les plus anciennes sont situées près de l’avenue de Dunkerque. De l’autre côté, une série de maisons art déco à rez-de-chaussée surélevé sur garage ont été construites sur les terrains achetés à l’Institution Sainte Odile dans les années 30.

Cet immense et très bel immeuble de rapport, situé avenue du Colysée (face au stade), a été construit de 1927 à 1929 dans un style art déco “traditionnel” par l’architecte Louis Mollet, à l’intérieur du parc de l’Institut Orthopédique (brûlé en partie en 1918).

L’avenue de l’Amiral Courbet comporte deux trottoirs très différents : l’un est composé de grandes demeures éclectiques de la Belle Époque, l’autre de maisons de ville dont la construction s’étale des années 1900 à 1930, avec
une majorité de très belles maisons Art Déco.

À côté de l’entrée du stade, avenue Debuire du Buc, se dresse une grande demeure de 1925 qui propose deux façades :l’une en brique côté rue, l’autre en ciment côté stade. Le propriétaire était sûrement d’origine alsacienne, car les vitraux représentent la cathédrale de Strasbourg et les décors sur béton des cigognes.

L’avenue Gabrielle Groulois, nom donné en hommage à la mère des propriétaires de la voie, fut lotie de 1936 aux années 50 dans le style art déco, majoritairement moderne (et donc nettement plus sobre).

Le quartier Bourg Mairie

Le quartier du bourg est le plus ancien de Lambersart, le noyau historique de la ville. Le Bourg fut le village de Lambersart depuis 1101 jusqu’en 1914. L’avenue de l’Hippodrome, s’étirant de Canteleu au Bourg, marque l’acte de naissance de la ville telle que nous la connaissons.

Plusieurs maisons de maître peuvent être admirées sur l’avenue de l’Hippodrome où, dès le 19e siècle, nombre de riches Lillois ont fait ériger des “villas châteaux” pour étaler leur richesse dans ce nouveau quartier de villégiature. Beaucoup de ces villas ont un style classique ou éclectique, mais dans les années 1920 et 1930, nombre de “grands patrons” ont choisi de suivre le style Art Déco et certains ont même embauché des architectes novateurs.

Ainsi, l’architecte lillois Marcel Boudin a créé la très “cubique” villa Broly au 345 avenue de l’Hippodrome en 1934-1935. Elle fait déjà penser au style “moderne” qui arrivera dans les années 1940 (en rejetant toutes les ornementations de l’Art Déco).

Au 379 avenue de l’Hippodrome se dresse la villa Waché. Son style simple, assez peu décoré, et son toit haut indiquent une construction des années 1930. Elle a été construite en 1936.

Ce portail en bois massif arbore un très joli style japonisant.

Au 335 avenue de l’Hippodrome, cette maison très géométrique avec son beau toit-terrasse date de 1935.

Au 309 de l’avenue de l’hippodrome se situe la plus moderne et la plus représentative des maisons de la rue… et de la ville ! L’architecte Marcel Boudin a construit la villa de l’ingénieur et entrepreneur Paul Sdez en 1933 dans un style “paquebot” en briques de parement jaunes. Sans doute inspiré par la couleur et les volumes de la Villa Cavrois de Mallet-Stevens (inaugurée en 1932), Boudin a mis en valeur des volumes différents, alternants angles droits et arrondis.

C’était la grande époque des croisières transatlantiques et nombreux furent les architectes qui s’inspirèrent de géants des mers (hublots ronds, pièce en hauteur totalement vitrée telle une vigie…).
La villa Sdez est inscrite aux Monuments Historiques.

En face de la Villa Sdez (au 330 avenue de l’Hippodrome) fut construite en 1947 la “Villa Méo” des frères belges Méauxsoone, fondateurs de la marque de café “Méo”. La maison est recouverte de briques de parement, mais les demi-hexagones qui servent de bow-window sont en béton.
Un portique assurait la liaison avec leur atelier-épicerie (construit en 1938) côté avenue Foch.

Cet ancien atelier-épicerie (au n°15 de l’avenue Foch) est depuis devenu un atelier d’architecte.
On remarque évidemment ce pignon à redents d’inspiration flamande, mais aussi les jeux de briques verticales et horizontales, les larges fenêtres et les spirales en fer forgé.

Les motifs floraux et les spirales se retrouvent sur de nombreuses maisons de Lambersart, que les propriétaires ont pris soin de conserver (merci à eux !)

L’Union Départementale des Sociétés de Secours Mutuels du nord a fait ériger trois immeubles à Lambersart. Le premier, édifié en 1933 place de la Victoire, porte en haut l’inscription de l’Union. Son architecte est Jules-Clément Lesaffre (qui fut architecte de la Reconstruction de Lambersart, Frelinghien, Capinghem et Sequedin).

Qui était “Monique” ? Aucune idée, mais l’architecte s’est amusé à dessiner des motifs avec des briques de parement sur cette maison originale située rue Auguste Bonte.

La porte aussi est d’époque.

Une maison voisine. Peut-être le même architecte ?

Le quartier du Canon d’Or

Si les édifices les plus originaux et les plus vastes sont situés dans le quartier Bourg Mairie, le quartier du Canon d’Or est sans aucun doute celui qui possède le plus de maisons Art Déco. Où que vous portiez votre regard, vous croisez les attributs de ce style !

Construite de 1931 à 1934, la clinique chirurgicale de la Roseraie est une commande de l’Union Départementale des Sociétés de Secours Mutuels du Nord. De style art déco, sobre et moderne, le bâtiment fut occupé par l’armée allemande de 1940 à 1944. Depuis 1956, c’est la caserne de deux compagnies républicaines de sécurité : on ne peut donc pas s’en approcher, malheureusement.

Ce grand immeublesitué à l’angle de l’avenue Leclerc a également été érigé pour l’Union Départementale des Sociétés de Secours Mutuels du Nord. Créé par l’architecte Armand Lemay fils, il marque par ses bow-windows et ses céramiques bleues animant les deux façades.

La céramique, brune cette fois, est également présente au-dessus de la porte d’entrée principale de cet immeuble.

Les P.T.T. s’installèrent en 1929 dans un immeuble de l’architecte Descatoire à l’angle des avenues Delécaux-Leclerc.
La petite mosaïque du fronton nous donnant les indications « Postes Télégraphes Téléphones » est quasiment le seul élément Art Déco, car le bâtiment est de facture très classique. L’architecte s’est tout de même amusé à jouer avec les différentes couleurs de brique, certaines étant recouvertes de céramique.

En 1925, Georges Petit est élu maire de Lambersart. Ayant de hautes fonctions dans l’Union Départementale des
Sociétés de Secours Mutuels du Nord, il souhaite développer l’habitat social dans sa ville, ce qu’il propose dans son plan d’aménagement et d’embellissement de Lambersart.
Jules-Clément Lesaffre est chargé de la construction des Habitats à Bon Marché, tandis qu’Armand Lemay fils s’occupe des habitations à loyer moyen et des quelques maisons bourgeoises. La Cité Mutualiste de Lambersart est composée de maisons érigées entre 1929 et 1931 dans les avenues Rousseau, Leclerc, Colonel Driant et Delécaux.

Les frises de brique jaune ressortent clairement sur la brique rouge, tout comme les briques en pointe sous le toit. Et aucune fenêtre n’a la même forme, l’architecte s’est amusé.

104 avenue du Maréchal Leclerc, face à l’ancienne chapelle de la clinique de la Roseraie, cette jolie maison possède une petite alcôve qui loge une vierge à l’enfant, mais aussi des briques en pointe sur la façade et de belles ferronneries sur les portes.

Au 85 de l’avenue du Général Leclerc, des fenêtres rectangulaires ou à pans coupés, une asymétrie bien soulignée, une alternance de béton et de brique, des éléments dessinés dans le béton, une colonne devant la porte d’entrée, de beaux balcons… Là aussi, l’architecte s’est fait plaisir 😉

172 avenue Leclerc, une villa “pittoresque” d’inspiration anglo-normande possède un pignon imitant les colombages. Sur la porte en bois, on distingue un motif floral de couleur sur la partie en verre. 

Au 80 avenue du Colonnel Driant, “my house”. Peut-être un Anglais y a-t-il habité ?

La rue Auguste Delcourt est lotie de 1920 à 1935. Au 7 avenue Delcourt, une maison très originale avec une terrasse au-dessus du bow-window :

85 et 87 rue Paul Doumer, tout en géométrie anguleuse.

L’avenue Marceau et l’avenue du Président Doumer sont tracées après la 1re guerre mondiale. Elles sont complétement bâties en 1935.
L’immeuble de 1937 à la façade très soignée du 44bis avenue Marceau, propose deux bow-windows superposées en béton armé, ainsi que deux baies avec vitraux dans la travée centrale qui accueille l’escalier.

77 avenue Marceau (architecte Aurili) :

71 et 73 avenue Marceau, deux grandes maisons de type anglo-normand à colombages. Ce style, fort répandu à la Belle Époque, se poursuivit dans les années 1920, teinté de régionalisme : le béton remplaça le bois et à la pierre succéda la brique.

Au 11 rue de l’Abbé Lemire, une façade en béton cannelé, des bow windows, du fer forgé aux motifs géométriques de soleil et de spirale… Même le luminaire est d’époque !
Dans cette rue, toutes les maisons furent construites entre 1930 et 1935.

L’avenue Becquart est une voie ancienne qui fut d’abord lotie avant 1910, et entièrement urbanisée de 1920 à 1935.

Les détails Art Déco sont partout, il faut ouvrir l’œil pour ne rien rater !

Le lotissement de la pépinière

L’arrivée du tramway électrique en 1908 rue de Lille favorisa le développement du quartier du Canon d’Or. Richard Bailly, pépiniériste et maire de 1876 à 1888 habitait au n°100 de la rue de Lille. Il lotit sa pépinière en y traçant des avenues aux noms de botanistes célèbres. D’élégantes maisons y furent bâties de 1910 à 1935.

En 1930, 40 habitations étaient déjà construites avenue Bailly-Ducroquet, dont certaines, avec originalité et démesure.

Au n° 60, l’architecte belge Alphonse Stevens, a su tirer parti de l’étroitesse de la parcelle qui lui était assignée en édifiant en 1932 un édifice tout en verticalité, accentuée par un portique en béton et ciment, qui coiffe la façade. Sa valeur architecturale est reconnue par une inscription aux Monuments Historiques depuis juillet 2000.

Avenue de la République

Georges Petit, maire de 1925 à 1929, souhaitait développer Lambersart en favorisant les liaisons avec Lille. L’avenue du bois de la Deûle prit le nom de “la République” et fut lotie de séduisantes façades pittoresques et Art Déco de 1925 à 1955. C’est dans cette artère que l’on trouve les édifices les plus “modernes”.

L’exposition “Art déco à Lambersart”

Pour terminer, petit coup d’œil sur l’exposition du “Printemps de l’Art Déco” qui s’était installée sur les grilles du Parc des Charmettes, avenue de Verdun. Vingt-et-un panneaux présentaient un panel photographique de l’Art déco à Lambersart : villas, immeubles ou portions de rue, ferronnerie, vitraux, céramiques, décors en béton armé ou ciment peint…

l'art déco à lambersart

Si vous voulez vous promenez à Lambersart pour admirer les constructions Art Déco, vous pouvez télécharger le livret-guide du Printemps de l’Art Déco ou utiliser cette carte interactive créée par la ville de Lambersart.

Cet article vous a plu ? Gardez-le ou partagez-le.

4 commentaires

  1. Bonjour je suis Manuela SDEZ .Je vous remercie d’avoir mis en avant la maison de mes grands parents avenue de l’Hippodrome à Lambersart , Solange et Paul SDEZ . Cette maison me paraissait immense étant enfant .Je me souvient qu’il y avait un solarium à l’étage et de jolies couleurs à travers les vitraux .Bravo pour votre travail .

    1. Emily a dit :

      Bonjour Manuela. Très heureuse d’avoir pu vous rappeler des souvenirs. La villa Sdez a un style unique, elle est vraiment très belle !

  2. C est toujours un grand bonheur de vous lire tant pour l interet historique et culturel que pour la richesse de vos merveilleuses photos. Bravo et merci. J ai eu une gde chance de vous découvrir par hasard et une plus grande encore de pouvoir continuer de consulter vos articles si documentés. Vous faites un travail super. Grand merci

    1. Merci beaucoup Manuela, ça me touche énormément 🙂 J’essaie toujours de “donner envie” que ce soit avec le texte ou les photos. Et je suis heureuse d’y parvenir. Bonne journée.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.