Impressionnante ! C’est le mot qui vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on regarde la cathédrale Saint Pierre de Beauvais. Elle possède les voûtes les plus hautes de l’art gothique et sa construction s’est étalée sur cinq siècles, ce qui explique pourquoi elle a toujours eu des problèmes de stabilité.
La cathédrale de Beauvais est unique pour plusieurs raisons. L’une d’elles est qu’elle est deux cathédrales en une… et que l’on ne s’en rend pas compte ! En effet, la première cathédrale connue à Beauvais est Notre-Dame de la Basse-Œuvre, édifiée aux alentours de l’an Mil. Au Moyen Âge, le transept et le chœur ont été détruits pour édifier l’édifice gothique que l’on connaît et qu’on nomme “Haute-Œuvre”. Cette dernière n’a jamais été achevée, et si cela avait été le cas, la cathédrale primitive aurait entièrement disparu. La cathédrale Saint-Pierre de Beauvais est donc un exemple unique de deux cathédrales se côtoyant l’une à côté de l’autre.
L’histoire de la cathédrale Saint-Pierre
Dès le milieu du XIIe siècle, on passa doucement de l’art Roman à l’Art Gothique. Pour résumer, des innovations techniques (la voûte sur croisée d’ogives et l’arc-boutant) permirent de construire des églises plus lumineuses et plus hautes.
À la suite d’un incendie qui toucha la cathédrale primitive, Notre-Dame de la Basse-Œuvre, l’évêque-comte de Beauvais, Milon de Nanteuil, décida en 1225 de reconstruire son église. Homme puissant et ambitieux, il voulut en faire la plus haute et la plus vaste cathédrale du royaume de France. Il y parvint, car elle possède le plus haut chœur gothique au monde (48,50 m), mais il fallut 47 ans rien que pour édifier le chœur : le chantier fut ralenti par d’incessantes querelles opposant le roi, l’évêque et la Commune… et un manque de fonds récurrent.
Évidemment, durant ce laps de temps, des changements furent apportés au plan initial. Les parties hautes, créées entre 1250 et 1260, furent finalement plus élevées que prévu. La Cathédrale, dédiée à saint Pierre, fut consacrée en 1272 (sans être terminée), mais douze ans après la fin des travaux, les parties hautes du chœur s’effondrèrent.
Les dégâts furent limités, mais la construction de la cathédrale resta en suspens le temps des restaurations. La hauteur inhabituelle du chœur étant considérée comme un facteur d’instabilité, on le consolida en lui ajoutant des piliers et en reconstruisant l’essentiel de ses parties hautes.
Les réparations furent achevées vers 1340, mais durant les années qui suivirent, la Grande Peste, la guerre de Cent Ans et les nombreux troubles qui suivirent, mirent un arrêt total à la construction de la cathédrale.
En 1500, les travaux reprirent par l’édification du transept avec sa splendide façade de style gothique flamboyant et sa rose de 11 mètres de diamètre. Les travaux furent confiés au célèbre maître d’œuvre parisien Martin Chambiges, qui devait aussi de stabiliser le chœur. Conscient des soucis architecturaux de la cathédrale, il conçut un transept “solide” à la structure soignée.
Lorsque Martin Chambiges mourut en 1532, les maîtres maçons qui collaboraient à son œuvre prirent la relève. Mais, moins clairvoyants que Chambiges, ils décidèrent, dès 1534, d’ériger une tour lanterne de 110 m de haut qui remettait en cause le fragile équilibre auquel était parvenu le maître d’œuvre. Le chœur et le transept, qui auraient dû s’appuyer sur une nef, ne purent supporter une telle charge. Achevée en 1569, la tour de 110m s’écroula quatre ans plus tard, détruisant au passage deux piliers du XIIIe siècle.
Les parties endommagées furent aussitôt réparées (cela devenait une habitude…). En 1600, le maître maçon Martin Candelot fut chargé d’édifier la nef dont la première travée (une portion de voute entre deux piliers) fut terminée en 1604. Puis… les travaux cessèrent faute de fonds ! Le projet d’une nef complète fut abandonné et la cathédrale Saint Pierre ne fut jamais terminée.
Inachevée, la cathédrale reste donc instable.
Classée Monument Historique en 1840, la cathédrale de Beauvais fut restaurée à plusieurs reprises et les travaux se poursuivent encore de nos jours. De 1820 à 1916, des pinacles furent démolis puis reconstruits, on répara la toiture, on éleva un nouveau clocher, on restaura le soubassement du chevet, on créa des terrasses en plombs, on consolida les soubassements de certains piliers et on remplaça les combles du déambulatoire par une terrasse en ciment !
En 1940, les bombardements endommagèrent les maçonneries et deux voutes de la cathédrale, au point de nécessiter des réparations urgentes.
La cathédrale Saint Pierre de Beauvais est une éternelle leçon d’architecture : ainsi, après que l’on ait supprimé à la fin des années 1970 les tirants métalliques reliant les contreforts entre eux, on réalisa que l’on avait à nouveau fragilisé l’édifice. Ils furent réinstallés lorsqu’en 1982 la violence des vents déstabilisa les arcs-boutants, démontrant l’utilité de ce chaînage.
Enfin, d’impressionnants étaiements en bois furent installés dans le transept en 1993 afin de prévenir d’éventuels mouvements de maçonneries.
L’intérieur de la cathédrale de Beauvais
Ce qui frappe, évidemment, lorsque l’on entre dans la cathédrale, c’est la hauteur impressionnante du chœur. On se sent minuscule et on ne peut qu’imaginer l’extraordinaire labeur des artisans qui ont construit, avec les moyens de l’époque, ce gigantesque édifice.
Les grandes fenêtres du chœur de la cathédrale de Beauvais apportent énormément de lumière. Depuis le triforium jusqu’à la voûte, on compte 25 mètres de vitraux qui datent des XIIIe, XIVe et XVIe siècles.
De chaque côté de l’autel, les stalles en bois sculptées des XVIe et XVIIe siècles proviennent de l’ancienne abbaye Saint-Paul. Les accoudoirs sont ornés de visages humains ou de têtes d’animaux, alors que les sièges sont sculptés de figures grotesques ou de têtes d’anges.
Le déambulatoire de la cathédrale de Beauvais est rythmé par onze chapelles dédiées à des saintes, des saints et Notre Dame.
La chapelle Sainte Angadrême a été aménagée et peinte au XIXe siècle. La peinture murale représente Jeanne Hachette, héroïne locale, exhortant les Beauvaisiens à résister aux assauts des troupes de Charles le Téméraire en 1472.
La cathédrale abrite un ensemble de vitraux exceptionnels du 13e au 20e siècle, réalisés par des maîtres-verriers renommés tels la famille Leprince au 16e siècle ou encore Max-Ingrand et Le Chevallier pour le 20e siècle.
L’immense vitrail de la rose sud représente la Création et quelques épisodes de la Genèse et de l’Exode. Réalisé par les ateliers Le Prince, il date du 16e siècle, à la fin de la construction du transept. En haut est située la “rose de la création”, en dessous une série de 10 prophètes et enfin, en bas, des évangélistes et Docteurs de l’église.
Les vitraux de la chapelle d’axe, dite chapelle Notre-Dame, sont les plus anciens de la cathédrale. Datés du XIIIe siècle (vers 1240), ils représentent des scènes de la vie de Jésus (au centre), de la vie de saint Martin et une représentation d’une légende “à la mode” à l’époque, le “Miracle de Théophile” (durant lequel la Vierge combat le Diable).
Les vitraux de la chapelle Saint-Vincent datent de la fin du 13e siècle et du 14e siècle. Les deux verrières latérales, offertes par Raoul de Senlis (premier seigneur de Chantilly et d’Ermenonville), datent des années 1290.
Le vitrail central est moins ancien, il date de 1340-1350. À gauche : Saint-Jean, sur l’île de Patmos. À droite : La Crucifixion. Les personnages à genoux représentent les donateurs qui ont “payés” le vitrail.
Il ne reste plus grand-chose du mobilier originel de la cathédrale de Beauvais. En octobre 1793, les révolutionnaires pillèrent et saccagèrent l’intérieur comme l’extérieur. Ils décapitèrent les têtes de plusieurs statues et détruisirent celle du portail sud. Quelques éléments furent mis en lieu sûr, mais l’édifice perdit une partie de son mobilier et l’orfèvrerie partit à la fonte. La cathédrale conserve toutefois quelques toiles des 17e, 18e et 19e siècles, ainsi que plusieurs statues.
Au centre de la chapelle des Fonts baptismaux trône une cuve en marbre du 18e siècle. La toile du fond, “Christ mort”, est due à Henri Lejeune et date de la même époque.
Sur le mur Est de la chapelle des Fonts baptismaux, on distingue les vestiges d’une peinture du 14e siècle représentant l’entrée à Beauvais du légat du pape.
Les horloges de la cathédrale
La cathédrale Saint-Pierre possède deux horloges exceptionnelles :
– une horloge à carillon de 1302, la plus vieille au monde encore en état de fonctionnement.
– une horloge astronomique de 1865 du Beauvaisien Auguste-Lucien Vérité, considérée comme un chef-d’œuvre du genre.
L’horloge à carillon se trouve non loin de l’horloge astronomique, dans la chapelle Sainte-Thérèse. Elle se compose de trois parties principales, qui ne sont pas toutes datées de la même époque. Ainsi, dans la “tour” hexagonale en pierre sont situés les poids de l’horloge datant du 14e siècle. La cage de bois peinte contient quant à elle les rouages de l’horloge. La façade qui supporte le cadran (refait au 18e siècle) a été peinte au 15e siècle.
Le cadran indique les heures et les phases de la lune. L’horloge joue les cantiques avant chaque heure.
Imposante du haut de ses 12 mètres, logée dans un meuble de style romano-byzantin, l’horloge astronomique présente une foule impressionnante d’informations : saisons, marées, éclipses, cycle solaire, fêtes chrétiennes, heure sidérale (temps terrien à l’opposé de solaire), etc. Elle englobe toutes les données connues au XIXe siècle sur le temps et l’astronomie dans un ensemble d’engrenages et de leviers de 90 000 pièces.
Emmenez vos enfants jusqu’à cet imposant instrument : non seulement ils pourront observer les 52 cadrans indicatifs et la cité céleste représentée au sommet, mais l’horloge prend vie toutes les heures, animant ses 68 automates en cliquetis et en musique. Un coq chante et bas des ailes, Jésus fait un signe et deux anges soufflent dans leur trompette, lançant une scène du Jugement dernier.
Séances de présentation audiovisuelle de l’horloge astronomique à 10h30, 11h30, (12h30, 13h30 horaires d’été), 14h30, 15h30 et 16h30
Tarifs de l’Horloge astronomique : Adultes 5€, moins de 25 ans 3€, et moins de 16 ans 1,50€
Les concepteurs de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais avaient l’ambition d’en faire la plus haute cathédrale gothique de France, devant celle d’Amiens (la plus vaste de France) dont la construction avait, elle aussi, commencé au 13e siècle. L’esprit de compétition a fait naître deux sublimes édifices en Picardie ! Elles ont été construites après la cathédrale de Laon, plus ancienne, l’un des premiers édifices majeurs de style gothique en France.
INFORMATIONS PRATIQUES
Adresse : Rue Saint-Pierre 60 000 Beauvais
Horaires : du 1er novembre au 31 mars de 10h à 12h15 et de 14h à 17h15. Du 1er avril au 31 octobre de 10h à 18h15.
Tarif : entrée libre
Renseignements : Tél : 03 44 48 11 60 / www.cathedrale-beauvais.fr
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