Coups de coeur

L’écomusée des Écoles Publiques de Lille

classe 1930 de l'écomusée des écoles de Lille

Asseyez-vous sur le petit banc en bois et saisissez votre plume. La dictée commence. Le maître, juché sur son estrade, articule chaque mot avec attention. Vous essayez de bien tracer vos pleins et vos déliés, de ne pas faire de fautes… ni de tache d’encre !
Au sein de l’écomusée des Écoles Publiques de Lille, on redécouvre l’école de nos grands-parents et arrière-grand-parents, celle des taches d’encre violette et des buvards, des édifiantes leçons de morale écrites à la craie sur le tableau noir, et du poêle qui ronronne au milieu de la salle de classe.

Tous les premiers samedi du mois, derrière l’hôtel de ville de Lille, un “maître” vêtu de sa blouse grise vous présente les collections réunies par l’association du “Denier des écoles laïques” qui ont permis l’ouverture d’une salle de classe reconstituée telle qu’on a pu la connaître de 1930 à 1960.

Avec humour et tendresse, en racontant de nombreuses anecdotes, il vous fait revivre les rites scolaires d’antan et vous explique l’usage de matériels disparus.

instituteur de l'écomusée des écoles de Lille

L’histoire du musée des écoles

L’écomusée est installé dans les locaux d’une école “pour filles”, publique et laïque, qui fut construite en 1892.

C’est Alfred Mongy, créateur du grand boulevard entre Lille, Roubaix et Tourcoing, qui dirigea les travaux.
Mais il dut suivre les recommandations hygiénistes du “guide de construction des écoles” : Une grande cave à charbon au sous-sol de l’école et un chauffage par poêle dans les classes, de hauts plafonds pour respirer, de grandes fenêtres tournées vers le sud pour la lumière, des toilettes dans la cour, un logement de fonction pour le maître d’école et/ou la directrice, une estrade dans chacune des classes…
À l’époque, les écoles étaient souvent petites, humides, sombres et insalubres. Cette école-ci était donc le comble de la modernité !

le poêle godin de la classe 1930 à l'écomusée des écoles de Lille

Elle fonctionna jusque 1963, puis devint une “école de perfectionnement pour les enfants attardés non délinquants”. À la fin des années 1990, les mentalités évoluant, on choisit plutôt d’intégrer ces enfants dans l’enseignement général, et l’école ferma ses portes.

le couloir de l'écomusée des écoles de Lille

L’association a récupéré une petite partie de l’école en 1999 (une grande partie abrite le commissariat !).

les bureaux de la classe 1930 de l'écomusée des écoles de Lille

Le “denier des écoles laïques” ?

Le “Denier des écoles laïques”, qu’est-ce que c’est ?
Remettons les choses dans leur contexte. Dans les villes, jusqu’en 1870, les écoles étaient en grande partie laissées aux mains des congrégations religieuses (la ville évitait ainsi de payer les locaux et les charges). Mais lorsque les républicains de la Troisième République arrivèrent au pouvoir, ils voulurent une école laïque. Les congrégations religieuses créèrent des écoles privées, et l’état des écoles publiques.

affiche du rangement du linge à l'écomusée des écoles de Lille

Le “Denier des écoles laïques” (ou “amicale laïque”) avait pour but de “donner aux élèves le sens de la citoyenneté par la connaissance de leur ville, des institutions locales et nationales”. Pour résumer, on y défendait la laïcité et l’on s’y donnait les moyens de faire vivre les écoles publiques.

affiche des années 1950 à l'écomusée des écoles de Lille

L’association avait ainsi créé une bibliothèque dans chaque école, elle organisait un voyage à la mer pour les lauréats du certificat d’étude puis, plus tard, un “civic tour” pour visiter Lille.

les projecteurs de cinéma, la radio, le mange disque à l'écomusée des écoles de Lille

L’écomusée des écoles publiques de Lille

Ce musée est donc animé par l’association du “Denier” Lillois et vous pouvez le visiter une fois par mois, pour vous replonger dans l’ambiances des écoles publiques de la fin du 19ème siècle jusqu’au milieu du 20ème.

À l’époque, il y avait jusqu’à 50 enfants par classe ! Même si les enfants craignaient leur instituteur/trice bien plus que de nos jours, les “maîtres” étaient particulièrement jeunes (18/19 ans) et peu expérimentés… Ça n’était pas toujours évident pour eux.

cahier d'un élève en 1898 à l'écomusée des écoles de Lille

On avait donc, entre autre, instauré le bonnet d’âne pour les enfants les moins sages… ou les moins doués.

bonnet d'âne à l'écomusée des écoles de Lille

Il existait peu de musées et l’on avait pas pour habitude d’y emmener les enfants. Aussi l’enseignant créait-il un “cabinet de curiosités” dans une armoire où s’empilaient ossements, rat empaillé, crâne humain, fossiles, coquillages, feuilles séchées, tête et sabot de cheval, vipère en bocal ou scorpion.

le cabinet de curiosité de l'écomusée des écoles de Lille

Les enfants apprenaient en regardant, mais aussi en touchant, en manipulant.

crâne, coquillage, affiche à l'écomusée des écoles de Lille

Les enfants avaient également accès à des jeux de construction et des puzzles… ainsi qu’à des produits chimiques. Les garçons faisaient de la chimie pour préparer leur avenir d’ouvrier ou de paysan.

oeuvre de l'arbre de noël de Lille

Les filles, quant à elles, apprenaient à coudre et préparaient leur trousseau en vue de leur mariage et de leur future vie de mère de famille.

À partir de 1880, le “Certificat d’études primaires” couronna l’enseignement primaire élémentaire. Les enfants (enfin… surtout les garçons) passaient leur Certificat d’études à 13 ans.

Les grandes affiches placardées sur les murs des classes étaient principalement consacrées à l’histoire et à la géographie de la France, dans l’idée d’unifier le pays : dans nombre de régions (Bretagne, Flandre, Corse, Alsace…), on parlait le patois local et non le français.

Mais les affiches soulignaient également les grandes campagnes hygiénistes contre l’alcool ou les maladies graves de l’époque. L’instituteur et l’institutrice devaient alors promouvoir la propreté corporelle, enseigner la gymnastique, convaincre les familles de la légitimité de la vaccination…

affiche de lutte contre l'alcoolisme à l'écomusée des écoles de Lille

D’ailleurs, une fois par an, les enfants profitaient de la visite médicale pour être vaccinés (ce qui permit, entre autre, d’éradiquer la tuberculose).

Après la défaite de 1870 et l’annexion de l’Alsace Lorraine par l’empire Allemand, la France créa les “Bataillons scolaires” au sein desquels les jeunes garçons devaient apprendre à détester les Allemands et s’entraîner à la prochaine guerre qui ne manquerait pas d’arriver… L’idée était que l’éducation “patriotique” devait être présente partout : la gymnastique pour être en bonne forme, l’histoire pour aimer la patrie, la morale et l’instruction civique pour respecter la loi et inculquer qu’un soldat doit être prêt au sacrifice de sa vie…

couvertures de cahiers militaristes à l'écomusée des écoles de Lille
protège cahier quand tu seras soldat

Si l’esprit revanchard était assez répandu dans la population, les parents devaient payer l’uniforme de ces “bataillons scolaires” et les garçons s’entraînait le dimanche, ce qui n’enchantait pas les familles.

la morale par l'exemple, la patrie à l'écomusée des écoles de Lille

La laïcité, par contre, n’était pas trop mal acceptée par les parents. On était laïque a l’école, mais catholique le dimanche. Les crucifix n’ont été enlevés que très progressivement des murs des classes. Cela laissait souvent une trace sur le mur sur lequel on collait la déclaration des droits de l’Homme… ou une Marianne en plâtre.

prêt pour la dictée à la plume
le maître et les serviteurs, la morale par l'exemple

Les enfants avaient des semaines chargées. Si le jeudi était jour de repos, ils faisaient le ménage le samedi après-midi. Ils ciraient les tables, passaient le balai. Mais parfois, si l’école était équipée d’un projecteur, les enfants bénéficiaient d’une séance de cinéma !

l'école au 19ème siècle
projecteur de diapositives à l'écomusée des écoles de Lille

Lors de votre visite, on vous proposera de participer à la redoutable “dictée du Certificat d’étude”, à la plume et à l’encre. Accrochez-vous, ça n’est pas évident !

l'encre violette et la plume
buvard publicitaire Amora à l'écomusée des écoles de Lille

À la fin de la visite, vous pourrez également goûter de délicieuses gaufres à l’ancienne agrémentées d’un jus de fruits. Quand je vous dis qu’on replonge en enfance… 😉

affiche et balances à l'écomusée des écoles de Lille

INFORMATIONS PRATIQUES

Adresse : Ancienne école Récamier, 4, rue Frédéric Mottez 59000 Lille

Horaires : Ouverture le premier samedi de chaque mois à 14h (la visite dure deux heures) et durant les Journées du Patrimoine.

Tarif : 2€/personne (Remboursement si 0 faute à la dictée !), gratuit pour les enfants de moins de 12 ans.

Réservation : par SMS au 06 64 44 53 02 ou par mail denier.ecole@free.fr

Puisque vous êtes dans le coin, faites également un tour dans le passionnant musée de l’Institut Pasteur, ou montez jusqu’en haut du beffroi de l’hôtel de ville.

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1 commentaire

  1. DELANNOY Pierre a dit :

    Bonjour Monsieur,
    Il y a quelques temps, j’avais participé avec mon épouse à la visite de l’école et à la traditionnelle dictée à l’encre violette.
    J’ai gardé un merveilleux souvenir de cet après-midi qui m’a rappelé de nombreux souvenirs de mon enfance.
    Ma question : serait-il possible de faire visiter (hors 1er samedi du mois) uniquement la salle de classe à ma fille, enseignante à Saint-Pierre de La Réunion et de passage à Lille pour quelques jours seulement ? Sinon, je me contenterai de votre présentation sur internet, au demeurant bien faite, mais cela ne vaut pas la réalité !
    Merci pour votre réponse.
    Avec mes courtoises salutations.
    Pierre DELANNOY

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